Les Echos - 02.03.2020

(nextflipdebug2) #1

N


athalie Balla, coprésidente de
La Redoute, Chrystèle Gima-
ret, fondatrice et présidente de
la PME Ekoklean by Artupox, Hélène
Boulet-Supau directrice générale de
Sarenza, Françoise Nyssen, éditrice
et directrice des éditions Actes Sud et
bien d’autres. Au total, ce sont quelque
350 femmes, dans 27 pays différents,
qui ont décroché un « Bold Woman
Award ». « Cet engagement en faveur
du renforcement de la place des femmes
dans le monde du travail remonte
à plus de deux siècles, à l’époque où
Barbe Nicole Clicquot, veuve de 27 ans,
a repris la société de son mari », expli-
que-t-on chez Veuve Clicquot (groupe
LVMH, propriétaire des « Echos »).
« Cette démarche, qui ne vise aucune-
ment à cocher les cases de la RSE, et une
certaine vision du business et du mana-
gement sont dans les tripes de cette
entreprise depuis sa fondation. »
A ces prix s’ajoutent des journées de
rencontres avec des « rôle makers » (la
championne et entrepreneuse Venus
William, la commissaire d’exposition
Camille Morineau...) ainsi que quel-
ques Bold Woman Diners, à Paris,
chez Yam’tcha ou encore Maison
Plisson autour des saveurs gastrono-
miques de la cheffe Amélie Darvas.
Ces dîners réunissent des femmes
désireuses de parler d’ambition et
d’audace, et d’échanger sur la façon
d’exister dans un milieu du travail
conçu majoritairement par et pour

des hommes. Enfin, au-delà de
l’impact des prix et des rencontres,
cette démarche volontariste et inclu-
sive comprend, depuis peu, un baro-
mètre qui recense tout un ensemble
de données internationales.
Dans les 14 pays ciblés par cet indica-
teur, entre 2018 et 2019, les femmes
relèvent, à 66 % en moyenne, qu’il est
plus difficile pour elles que pour un
homme de se lancer dans la création
ou la reprise d’entreprise. Toutefois,
interrogés sur leurs motivations,
hommes et femmes avancent les
mêmes arguments : c’est souvent le
plaisir d’être maître à bord et de don-
ner du sens à son travail qui les moti-
vent, avant le gain financier (critère
numéro un en Russie) ou la recon-
naissance sociale. A noter que pour
les Japonaises, les Hong-Kongaises et
les Italiennes, le sens l’emporte sur la
possibilité d’être sa propre manager.

Barrières et univers masculin
Le baromètre indique aussi que
les femmes doivent encore surmonter
quatre principales barrières : deux
structurelles, et deux qualifiées de
mentales. Ainsi, elles estiment qu’il
leur est plus difficile de trouver le juste
équilibre entre carrière et vie person-
nelle, et qu’elles ont moins facilement
accès au financement. Concernant les
barrières mentales, elles jugent encore
devoir « adapter leur comportement ».
Ainsi, une sur deux considère qu’e lle
doit se comporter davantage comme
un homme afin de mieux réussir.
Autre difficulté : les femmes s’atten-
dent à être davantage critiquées. Pour
les épauler, le baromètre les invite à se
tourner vers le mentorat, les réseaux
et davantage de modèles à succès.
—J.-M. C.

La maison de champagne Veuve
Cliquot soutient les femmes au
travail via l’organisation de prix,
de rencontres et l’établissement
d’un premier baromètre
international.

Promouvoir les femmes,


un credo bicentenaire


MÉTHODE


postes disponibles. Surtout, la présence
des femmes dans l’entreprise s’inscrit
dans le calcul d’un coefficient qui
s’applique aux bonus de près des deux
tiers des employés. Une façon de faire
de la féminisation une responsabilité
collective.

#3. Des mesures spécifiques
Le mois dernier, Nicolas Huss et Eglantine
Delmas ont présenté aux top managers,
réunis à Barcelone, un programme diver-
sité à déployer localement – il ne se substi-
tue pas aux différents dispositifs RH
existants. « Nous n’avons pas voulu le
focaliser sur les femmes, précise Eglantine
Delmas. Cependant, l’une des premières
actions que nous avons décidé d’engager est
de travailler sur la parité et de donner aux
femmes les moyens d’atteindre des postes de

Dans cette entreprise


technologique, un comité exécutif


féminisé fait bouger les curseurs.


Mais l’organisation doit aussi


mettre en place des mesures


spécifiques pour encourager


la présence et la carrière


des femmes en son sein.


Valérie Landrieu
@ValLandrieu

C


’est doté d’un comité exécutif
féminisé que Nicolas Huss,
directeur général d’Ingenico
depuis fin 2018, a redressé le spécialiste
du paiement électronique l’année der-
nière. Le groupe, qui a quasiment dou-
blé de valeur en 2019, se prépare
aujourd’hui à être racheté par le lea-
der Worldline. Et s’il est encore trop tôt
pour parler gouvernance, le directeur
général est résolu à porter le message
de la mixité au sein du futur champion
européen. « Pour une meilleure perfor-
mance économique », précise-t-il.

#1. Un comex féminisé pour créer
une dynamique
Après plusieurs années chez Visa, à
Londres, où « la diversité de genres n’est
plus un sujet », le dirigeant peut se
féliciter de disposer d’une instance
dirigeante parmi les plus féminisées du
SBF120. Dernière arrivée au comex en
septembre 2019, la secrétaire générale
Stéphanie Fougou a rejoint autour de la
table Agnès Bensoussan, une atypique
directrice des ressources humaines et
de la communication – elle est ingé-
nieure en informatique et diplômée en
intelligence artificielle –, Paula Felstead,
directrice de la technologie, et Eglantine
Delmas, directrice de l’audit, des risques

et de la conformité. Quatre femmes
pour six hommes au pilotage de l’entre-
prise : les 40 % préconisés par le Haut
Comité à l’égalité sont d’ores et déjà
atteints.
A l’échelle de l’entreprise, les femmes
représentent 32 % des effectifs. « Nous
voulons atteindre 35 % d’ici à 2023, un
challenge pour une activité technologi-
que », ne cache pas Nicolas Huss,
convaincu qu’« un comex féminisé crée
une dynamique et fait bouger les curseurs
dans l’organisation. »

#2. Calcul des bonus
Premier axe directeur de cette politi-
que : atteindre sous trois ans une pro-
portion d’au moins 30 % de femmes
jusqu’à trois niveaux sous le comité de
direction, c’est-à-dire dans les positions
managériales les plus importantes de
l’entreprise. « Nous menons à la fois un
plan de promotion interne, avec identifi-
cation des talents féminins, et une politi-
que de recrutement externe extrêmement
active », explique Nicolas Huss.
La diversité, de genre et autre, doit aussi
être une réalité dans les équipes :
250 cadres supérieurs sont directement
impliqués sur des objectifs particuliers
mais c’est l’ensemble des managers,
hommes et femmes, qui a été invité à
suivre une formation en e-learning sur
les biais sexistes et à présenter des
présélections mixtes de candidats aux

Chez Ingenico, la


féminisation relève de la


responsabilité collective


BUSINESS CASE


leadership. » A la clé, notamment, un
programme d’accompagnement qui doit
démarrer ces jours-ci. Les derniers men-
tors sont en passe d’être choisis ; ils
coacheront une trentaine de femmes.
Ingenico est en outre partenaire de
plusieurs réseaux et associations, dont
l’objectif est de susciter des vocations
féminines dans les métiers technologi-
ques. Des actions sont lancées avec Elles
bougent, Girls in Tech et Women in
payments.
En 2020, « on accélère avec de nouvelles
initiatives, annonce Nicolas Huss. En la
matière, il ne peut y avoir de statu quo ».
Le groupe va notamment travailler sur
la mise en place de mesures spécifiques
autour des rémunérations et des
bonus, pendant et au retour des congés
maternité.n

A l’échelle d’Ingenico, les femmes représentent 32 % des effectifs. Photo Ingenico


Actions concrètes
Le cabinet se fait accompagner par
Nandini Colin, une spécialiste du déve-
loppement de la parité et de l’inclusion
en entreprise. « Nous avons une straté-
gie agressive, fondée sur un nombre
réduit d’actions concrètes mais qui
présentent le plus d’impact. Ainsi, nous
encourageons fortement nos membres
à coopter autant de femmes que d’hom-
mes. Nous multiplions les ateliers de
sensibilisation, et nous nouons des
partenariats. Nous sommes notamment
en train de nous rapprocher de l’associa-
tion JamaisSansElles », souligne
l’experte. Bruno Calbry insiste plu-
sieurs fois sur ce projet de partenariat
qui lui tient à cœur. « Le principe de
cette association est de dire : les diri-
geants masculins qui adhèrent aux
valeurs doivent refuser de participer à
des réunions où il n’y a pas de femmes.
C’est un engagement très fort », pointe
le dirigeant.

Place à l’imagination
400 Partners n’a pas décidé de mettre
l’accent sur les femmes et l’inclusion en
général par angélisme. Si le cabinet
revendique des convictions fortes sur le
sujet, son cofondateur n’hésite pas à
détailler les avantages concrets de leur
stratégie de féminisation. « Dans le
management de transition, nous avons le
syndrome du costume gris : il n’y a que
des hommes et tout le monde se ressem-
ble. Or le marché est compétitif et c’est un
secteur en pénurie. Pour trouver des
talents, il faut être imaginatif », détaille-
t-il. Dès lors, pour les missions, il n’y a
plus de raison de rechercher un profil
unique – celui d’un homme blanc de
plus de 50 ans –, même si celui-ci
demeure encore très majoritaire dans
les instances de direction.

Tremplin
Pour autant, le chemin vers l’objectif
affiché de parité en 2022 sera tortueux.
« Promouvoir la diversité demeure un
effort, ce n’est pas forcément naturel.
Nos clients sont tous prêts à travailler
avec une femme, mais dans leur secteur
il y a en a parfois très peu, et tout le
monde s’y est habitué. Quand nous
présentons à un client deux candidats,
nous nous forçons à présenter une
femme, pour faire évoluer les mentali-
tés », explique Nandini Colin. Malgré
ces freins, Bruno Calbry est persuadé
que le management de transition
demeure un tremplin formidable
pour les femmes. Il est vrai qu’il s’agit
d’un des rares secteurs où l’égalité
salariale est respectée. « Nous fixons
le prix de la mission avant le choix
du manager, donc la rémunération
n’est pas genrée », glisse-t-il fièrement.
L’entreprise cliente ne connaît pas
d’avance le genre de son futur manager
de transition. « Cela permet de casser
les préjugés, en introduisant des femmes
dans des milieux très masculins,
où trop souvent, pour réussir, elles ont
dû se comporter comme des hommes. »
Car s’il n’existe pas de déterminant
biologique au style de management,
l’influence du système scolaire puis
du monde de l’entreprise fait émerger
une façon différente de diriger, selon
que l’on est un homme ou une femme.
« Nous croyons au leadership féminin.
Les femmes développent davantage
les fameuses “soft skills”, qui sont forte-
ment demandées aujourd’hui »,
se réjouit Nandini Colin. Autant
de distinctions sur lesquelles
400 Partners entend capitaliser
pour promouvoir son modèle d’affaires
et, encore une fois, jouer la carte
de la différence.

Jean-Marie Cunin


D


ès l’origine, le cabinet de mana-
gement de transition 400 Par-
tners a décidé de sortir du lot.
L’idée, au lancement de l’entreprise il y
a un an, était de proposer un vivier de
400 managers – pas un de plus – qui
soit aussi un réseau. « Nous avons une
stratégie hybride, entre l’EMT [Entre-
prise de management de transition,
NDLR] et le réseau de managers de type
Amadeus. Notre positionnement est
unique en France », se félicite Bruno
Calbry, cofondateur et directeur géné-
ral du cabinet. Dans un univers très
masculin – seulement 23 % des mana-
gers de transition sont des femmes –,
l’entreprise a décidé de miser sur la
promotion de la parité et de la diver-
sité. De 23 % de femmes dans son
vivier en 2019, 400 Partners en reven-
dique aujourd’hui 29 %, et affiche des
objectifs ambitieux : 35 à 40 % à la fin
de l’année, et la parité pour 2022. Cette
stratégie se traduit également dans la
gouvernance. Au total, 40 membres
vont monter au capital et vont devoir
désigner 4 membres pour les représen-
ter. Les cofondateurs ont alors imposé
une règle : ils veulent 2 hommes et
2 femmes. Une évolution qui va dans le
sens de l’histoire de la profession.


Le cabinet de management de


transition entend féminiser une


profession au sein de laquelle près


de 8 managers sur 10 sont des


hommes. Au-delà de ses profondes


convictions, il s’agit pour la jeune


entreprise de se distinguer et


d’aller chercher les talents en


dehors des sentiers battus.


400 Partners se distingue


en misant sur la parité


BUSINESS CASE


IA : combien
sont-elles?

echo.st/m329863

36 // EXECUTIVES Lundi 2 mars 2020 Les Echos


?

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