Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1

30 // PME & REGIONS Vendredi 21 et samedi 22 février 2020 Les Echos


innovateurs


Stéphane Frachet
@FrachetStephane
—Correspondant à Tours


L’incertitude règne au sein de
l’usine de Delphi à Blois (Loir-et-
Cher), le principal site européen de
l’équipementier américain avec
1.300 salariés. Les raisons? Outre
la baisse continue du marché du
diesel, Delphi a officialisé fin jan-
vier son rapprochement avec son
confrère BorgWarner, p our former
un groupe de taille mondiale dans
la propulsion et l’électronique
embarquée.
Delphi Technologies conserve-
rait 16 % de la nouvelle entité et
BorgWarner, 84 %. L’opération sera
finalisée au second semestre.


12 millions investis à Blois
Cette acquisition renforce le lea-
dership de BorgWarner, qui com-
plète son portefeuille produits,
« aussi bien dans la motorisation
électrique que dans le thermique »,
explique Frédéric Lissalde, prési-
dent de BorgWarner, dans un com-
muniqué publié fin janvier.
Depuis cette annonce il y a
quinze jours, « nous demandons des


cielle ne filtre sur ses projets en val-
lée du Rhône. Ils avancent pourtant
à grands pas. Après Carcassonne,
patrie de son président Jean-Michel
Signoles et principal site de produc-
tion, la Maison G oyard se développe
dans la Drôme. D’ici cinq à six ans,
ses deux ateliers de production Algo
et La Maroquinerie devraient
employer 900 personnes à Albon et
à Châteauneuf-sur-Isère.
Les premières incursions de la
Maison Goyard dans la vallée du
Rhône remontent à cinq ans. La

montée en puissance a été actée cet
été. Le maroquinier vient d’acquérir
un nouveau site de 20.000 mètres
carrés à Châteauneuf-sur-Isère, où
il prévoit de créer 300 emplois en
trois ans. Dans le même temps, les
150 collaborateurs de la Maroqui-
nerie se sont installés dans un bâti-
ment neuf à Albon. « L’entreprise
envisage déjà de s’agrandir avec de
nouveaux ateliers et la construction
d’une plateforme logistique. Entre
200 et 300 emplois seront créés »,
assure Pierre Jouvet, président de la
communauté de communes Porte
de DrômArdèche.

Des recrutements locaux
Au-delà du positionnement de la
Vallée du Rhône desservie par des
infrastructures de transport
majeures, la mobilisation des
acteurs locaux pour trouver et for-

Françoise Sigot
— Correspondante à Lyon


Comme toutes les grandes maisons
de luxe, le plus ancien malletier
parisien encore en activité cultive la
discrétion. Pas une information offi-


AUVERGNE-
RHÔNE-ALPES


Le maroquinier de luxe
étend les locaux de
ses filiales drômoises.


D’ici environ cinq ans,
900 personnes
devraient travailler
sur deux sites en cours
de construction
ou d’agrandissement.


très techniques pour le sport, la
course à pied, la randonnée mais
aussi la chasse, ne dévie pas de son
axe stratégique. « Si vous voulez
exister dans ce secteur de niche fait
d’acheteurs très connaisseurs, il
faut vraiment faire la différence »,
indique-t-il.
La PME, implantée à Montceau-
les-Mines (Saône-et-Loire), est en
conséquence entièrement tournée
vers l’innovation. Depuis quelques
mois, elle commercialise une nou-
velle gamme de chaussettes pour
la randonnée en laine de mérinos
pour laquelle elle revendique le
pourcentage de laine le plus impor-
tant du marché. « Nous atteignons
74 %, alors que nos concurrents
directs ne sont qu’à 60 % », assure
Daniel Porte.
Une année de recherche a été
nécessaire pour mettre au point ce

produit dont les ventes ont
démarré en flèche.

L’export progresse
Cette dernière création succède à
la paire de chaussettes pour
skieurs baptisée « GelProtech »
qui préserve le tibia et les malléo-
les, structures osseuses de la che-
ville très exposées chez certains
pratiquants.
L’innovation, distinguée au
Salon Ipso de Munich en 2018, est
ici double. Elle concerne aussi bien
le gel de protection, un silicone
sécuritaire et très amortissant issu
du monde médical, que le côté
amovible du dispositif, grâce au
design adapté de la chaussette. Ce
qui n’a pas empêché le fabricant,
fondé en 1930, d’entrer dans le club
des Entreprises du patrimoine
vivant (EPV) en décembre dernier.

Date de création : 2015
Présidente-fondatrice :
Sarah Da Silva Gomes
Effectif : 11 personnes
Secteur : handicap

Léa Delpont
— Correspondante à Lyon

Elle n’a jamais tenu une aiguille,
mais Sarah Da Silva Gomes a
créé la marque de vête-
ments Constant & Zoé. C’est la
première collection conçue
pour les personnes en situation
de handicap, inspirée par la vie
quotidienne d e son frère,
infirme moteur cérébral depuis
la naissance. Les personnes en
fauteuil et leurs aidants doivent
se débrouiller avec des habits
aux ouvertures trop étroites,
mal positionnées e t des matières
inconfortables. La jeune femme
a lancé ses premiers modèles en
2015, imaginés avec les étudiants
du lycée L a Martinière Diderot, à
Lyon, spécialisé dans la filière
textile. Depuis, la gamme s’est
élargie à une vingtaine de pro-
duits. Les boutons sont bannis
au profit de scratchs, d’élasti-

ques et de zips, les emmanchu-
res larges, les tailles enveloppan-
tes sur les reins, les manteaux
montés à l’envers : ouverts dans
le dos, couvrants sur le devant.
Les vêtements sont conforta-
bles, pratiques, astucieux avec
des cols ou boutonnières facti-
ces. Qui plus est stylés et aborda-
bles : environ 100 euros un pan-
talon et 150 euros un manteau.

Augmenter la production
La fondatrice a mûri son projet
alors qu’elle était étudiante en
alternance dans une société de
maroquinerie. Elle a ouvert le
capital de Constant & Zoé et
décroché 350.000 euros grâce à
sa participation, très convain-
cante, à l’émission « Qui veut
être mon associé? » sur M6, fin
janvier. Déjà actionnaire depuis
2017, Francis-Charles Pollet, fon-
dateur de Promod, a aussi réin-
vesti et détient 12 % des parts.
Majoritaire à 54 %, Sarah Da
Silva Gomes négocie avec bpi-
france et des banques pour com-
pléter l’enveloppe à 1 million,
afin de financer l’augmentation
de sa production. Elle a besoin
de trésorerie pour acheter les tis-
sus et accessoires, et recruter
une demi-douzaine de ven-
deurs. Pour l’instant, ils sont
quatre à organiser des ventes
éphémères dans les établisse-
ments médico-sociaux. Son site
In ternet croule sous les deman-
des depuis l’émission. La prési-
dente de Constant & Zoé, qui vise
1 million d’euros de ventes en
2021, veut élargir sa distribution
aux magasins de matériel médi-
cal et obtenir une TVA à 5,5 %.n

Constant & Zoé

L’ IDÉE CONSTANT & ZOÉ


La première collection pour


les personnes handicapées


mer de la main-d’œuvre a été un
argument décisif pour conforter les
implantations de la Maison Goyard
dans la Drôme.
Pour pourvoir ses emplois à
Albon, la Maroquinerie s’appuie sur
le dispositif Objectif Emploi créé
par Porte de DrômArdèche. Il met
en relation les recruteurs locaux et
les demandeurs d’emploi. Pour la
Maroquinerie, les conseillers
d’Objectif Emploi ont organisé une
dizaine de sessions d’information
pour présenter l’entreprise, les pos-
tes à pourvoir et recevoir des candi-
datures. 120 actions de formation
préalables au recrutement ont aussi
été mises en place avec Pôle emploi.
Au final, une centaine de personnes
ont été recrutées via ce dispositif,
qui se poursuit pour accompagner
le maroquinier dans ses prochains
recrutements.n

La maison Goyard multiplie les sites


de production en Vallée du Rhône


« Ce sera un plus d’un point de vue
marketing car le fabriqué en France
bénéficie d’une très bonne notoriété à
l’international et tout spécialement
dans le haut de gamme », argumente
le dirigeant. Les exportations,
encore modestes à 8 % des ventes,
progressent néanmoins fortement
dans certains pays tels que le
Benelux, la Suisse, l’Autriche, la
Norvège et la Suède.
Partenaire exclusif de l’équipe
de France de ski nordique et de la
Compagnie des guides de Chamo-
nix, Monnet emploie 22 salariés et
génère près de 2,4 millions d’euros
d’activité pour un volume de
280.000 paires, toutes produites
avec un pied droit et un pied gau-
che différenciés. Son site accueille
30 métiers à tricoter, dont plus de
la moitié a été achetée il y a moins
de cinq ans.n

informations, mais nous n’obtenons
rien », déplore le syndicat CGT de
Delphi, qui craint la poursuite de la
restructuration entamée depuis la
fin des années 2000. Contactée, la
direction de Delphi ne s’exprime

pas pendant les négociations.
En dix ans, cette ancienne bran-
che de General Motors a fermé une
usine à Périgny, p rès d e La Rochelle,
une autre en Bretagne en 2016, et
l’effectif blésois a perdu 300 sala-

riés. Toutefois, l’industriel vient
d’investir 12 millions d’euros pour
implanter à Blois une activité
d’injection essence. La décision
était conditionnée à l’abandon de
18 jours de RTT sur trois ans, ce que
les salariés avaient accepté par réfé-
rendum en 2017.

Résultat en chute
Une autre usine européenne de
Delphi, à Bascharage (Luxem-
bourg), va être amputée de 243 pos-
tes sur 514, alors que les syndicats
avaient signé un accord de départs
volontaires à l’automne. Cela n’a
pas été suffisant. « Une partie de
l’activité dédiée à l’injection sera
transférée à Blois, mais on ne connaît
pas les contours », dit un syndica-
liste. Le site luxembourgeois con-
serverait une activité d’électroni-
que embarquée.
La santé de Delphi est directe-
ment liée au diesel, l ’industriel souf-
fre d’une baisse globale de com-
mandes qui n’est plus compensée
par le dynamisme de l’Asie-Pacifi-
que, un marché lui aussi en recul en


  1. Il a publié le 13 février un chif-
    fre d’affaires de 4 milliards d’euros,
    en baisse de 10 %, et un résultat opé-
    rationnel de 130 millions d’euros, en
    chute de 68 %. De son côté, Borg-
    Warner a clôturé 2019 sur des ven-
    tes de 9,4 milliards d’euros. Mais il
    est plus avancé sur les batteries
    électriques et va fournir un moteur
    hybride à une voiture européenne.
    Enfin, les craintes des syndicats
    sont alimentées par un autre chif-
    fre : la nouvelle entité entend éco-
    nomiser 115 millions d’euros grâce
    aux synergies d’ici à 2023.n


CENTRE-
VAL DE LOIRE


L’équipementier
américain BorgWarner
s’apprête à reprendre
son confrère Delphi,
qui détient une usine
de 1.300 salariés à Blois.


Automobile : le rachat de Delphi par


BorgWarner inquiète les salariés de Blois


La santé de Delphi est directement liée au diesel, l’industriel
souffre d’une baisse globale de commandes. Photo Sipany/Sipa

Monnet tricote des chaussettes high-tech


Date de création : 2017
Président : Vincent Puard
Effectif : 5 personnes
Secteur : biotechnologies

Mise en lumière par un contrat
de trois ans signé, il y a quelques
jours, avec la société nantaise
cotée OSE Immunotherapeu-
tics, la start-up MAbSilico déve-
loppe des outils informatiques
qui font appel à l’intelligence
artificielle pour accélérer l a mise
au point d’anticorps thérapeuti-
ques. « Le t emps moyen de v alida-
tion des biothérapies est de 8 ans
et 9 mois », rappelle Anne Pou-
pon, cofondatrice de cette entre-
prise issue de l’Inra, à Tours
Nouzilly en Indre-et-Loire, qui
dirige toujours l’équipe de
recherche biologie et bio-infor-
matique des systèmes de signali-
sation (BIOS) du CNRS.
MAbSilico réduit les étapes
des différentes phases préclini-
ques grâce aux données ouver-
tes, en les associant à la simula-
tion numérique à partir d’une
base de données d’ADN pour
guider la découverte, caractéri-

MabSilico

20.000
MÈTRES CARRÉS
La surface du nouveau site
acquis à Châteauneuf-sur-Isère.

ser et optimiser de nouvelles
biomolécules. « Notre solution
rend plus précise, et donc plus
rapide, la phase suivante des
tests in vitro », détaille Vincent
Puard, président et cofonda-
teur de la société qui détient un
brevet sur la prédiction de réac-
tions croisées entre les anti-
corps et les cibles thérapeuti-
ques. Alors que cette étape dure
en moyenne 29 mois, « ce t ravail
par ordinateur, in silico, se résu-
mera à 5 jours », ajoute-t-il.

Editer un logiciel
OSE Immuno va s’appuyer sur
MAbSilico pour six program-
mes en oncologie et dans les
maladies inflammatoires. De
son c ôté, l’entreprise t ourangelle
pourra utiliser les données de
son partenaire pour enrichir ses
algorithmes. Fondée en 2017 par
quatre chercheurs de l’Inra – les
deux autres sont Thomas Bour-
quard et Astrid Musnier –, elle a
été soutenue par le fonds Ambi-
tion Recherche-Développement
2020 du Conseil régional Centre-
Val de Loire et le LabEx MAbIm-
prove. En décembre, elle a reçu
un prix au concours i-Nov de
bpifrance, doté de 1 million
d’euros. Les outils de MAbSilico
sont déjà c ommercialisés
auprès d’une vingtaine d’acteurs
de la recherche publique et de
biotechs françaises et américai-
nes, générant 200.000 euros de
chiffre d’affaires e n 2019. Sa levée
de fonds en cours permettra
d’éditer un logiciel e n mode SaaS
(«software as a service»). —S. F.

LE PARTENARIAT MABSILICO


Accélérer la mise au point


de biomédicaments avec l’IA


Didier Hugue
— Correspondant à Dijon


Daniel Porte, repreneur en 2012 de
Monnet, fabricant de chaussettes


LA PME À SUIVRE
BOURGOGNE-
FRANCHE-COMTÉ


Ce fabricant de chaus-
settes haut de gamme
de Montceau-les-Mines
multiplie les référen-
ces et les innovations.


Il vise la clientèle
des professionnels
et des passionnés
de sports d’extérieur.

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