Les Echos Mardi 10 mars 2020 FINANCE & MARCHES// 27
400 participants, 5 transformation tracks, 15 intervenants...
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23 AVRIL 2020 - Paris 15
e
Panorama des tendances et innovations pour la fonction RH
Vingt dollars au-dessous d u cours
actuel! Les pétroliers vont donc
devoir faire des choix pour faire
face à cette nouvelle situation :
réduire leurs investissements,
augmenter leur dette ou verser
moins de dividendes.
Pour la plupart d’entre eux,
cette dernière hypothèse est
exclue ou ne sera envisagée qu’e n
dernier recours. Les généreux
dividendes versés par ces sociétés
sont en effet devenus le principal
attrait du secteur en Bourse. Les
perspectives de croissance sont
moins bonnes car la demande de
pétrole ralentit. Certains action-
naires commencent même à dou-
ter de l’avenir de certaines compa-
gnies sur le long terme si la lutte
contre les émissions de CO 2 conti-
nue à prendre de l’ampleur.
Bilans solides
Pour Jason Gammel, la voie la
plus probable pour Total et ses
concurrents sera de réduire les
investissements. Une baisse
d’environ 20 % des budgets serait
possible assez rapidement selon
lui. « Les projets en mer coûteux
devraient probablement être tou-
chés » , selon l’assureur-crédit
Coface.
Les compagnies pourraient
aussi décider d’augmenter leur
dette afin de maintenir leurs divi-
dendes et leurs investissements.
Et, de ce point de vue, elles sont
dans une position bien plus avan-
tageuse que lors de la précédente
chute des cours en 2015, car elles
ont fortement réduit leur endette-
ment. Celui de Total, par exemple,
représente moins de 17 % des
fonds propres. « Les trois majors
bénéficiant du bilan le plus solide
sont Chevron, E xxonMobil et
Total » , écrivent les analystes
d’UBS.n
Vincent Collen
@VincentCollen
Les cours de Bourse des gran-
des compagnies pétrolières
ont, logiquement, chuté dans le
sillage des cours du brut lundi.
L’action Total a cédé 16,6 % à
Paris, celle de Shell 17,5 % à
Amsterdam et BP perdait
19,5 % à Londres. Aux Etats-
Unis, ExxonMobil et Chevron
reculaient de 14 % peu après
l’ouverture de Wall Street.
« Il n’y aura pas de gagnants,
seulement certains qui souffriront
moins » , écrivent les analystes
d’UBS dans une note publiée
lundi matin. Les grandes compa-
gnies pétrolières internationales
peuvent continuer à engranger
des bénéfices avec un baril de
brent à 35 dollars, le cours atteint
lundi après-midi, car elles ont for-
tement réduit leurs coûts depuis
la précédente chute des prix
intervenue en 2014 et 2015. Chez
Total par exemple, le point mort
est de 25 dollars. Cela signifie que
le pétrolier français gagne de
l’argent dès que le baril de brent
est supérieur à ce niveau.
Mais une fois les investisse-
ments et le versement des divi-
dendes pris en compte, le point
mort est en moyenne de 55 dol-
lars p our les grandes compagnies
internationales, selon Jason
Gammel, analyste chez Jefferies.
Avec la chute des cours
du brut, les compagnies
pétrolières vont
devoir réduire leurs
investissements
ou s’endetter pour
continuer à verser
le même niveau
de dividendes à leurs
actionnaires.
Pétrole : le dilemme
des majors
ques aussi. C’est sûr qu’il y a des sec-
teurs qui sont très endettés, il va falloir
les accompagner. » Mais, souligne-
t-il, il faut d’abord que les grandes
entreprises paient à l’heure. Les
groupes français ont de la trésorerie.
Muriel Nahmias, senior director
chez Redbridge, confirme. « Les res-
ponsables financiers des entreprises
sont en train d’évaluer les impacts sur
leurs budgets et les scenarios dans des
cas dégradés. Mais la majorité des
sociétés en France dispose d’une liqui-
dité confirmée confortable et des
niveaux de levier faibles ».
Les grandes entreprises
sollicitées
« Si la situation empire, nous ferons
comme en 2008, nous rééchelonne-
rons , affirme ce même dirigeant de
banque. En cas de besoin, n ous accroî-
trons les concours de trésorerie. »
Mais si les banques disent être
aujourd’hui dans une position de
liquidité bien meilleure que lors de
la dernière crise financière, elles
sondent leurs clients à tout va. « Les
banques cherchent à savoir si les tré-
soriers de grands groupes auront des
besoins ou s’ils ont l’intention de tirer
les lignes » , note l’AFTE (Association
française des trésoriers d’entre-
prise). En 2008, bien qu’ils aient tout
à fait la possibilité d’y procéder, les
banques avaient exercé une très
forte pression sur les trésoriers pour
qu’ils renoncent à ces tirages.
« Nous constatons aussi que certai-
nes banques sont tentées d’essayer de
récupérer des marges si l’on cherche à
modifier les conditions de lignes exis-
tantes, par exemple si l’on souhaite
modifier la maturité » , note encore
l’association. Même constat du côté
des PME, les marges remontent sur
les allongements de la durée des
prêts.
« Stand-by »
Pour l’heure, néanmoins, le manque
de visibilité domine. Les situations
de risque de rupture d’engagement,
en matière d’endettement (bris de
covenant) restent concentrées sur
les entreprises et les secteurs déjà en
difficultés avant la crise sanitaire.
« Mais il est encore trop tôt pour juger
de l’accès des entreprises au crédit
suite à la crise sanitaire », souligne
Muriel Nahmias.
« C’est le “stand-by” , témoigne de
son côté Augustin Huyghues Des-
pointes, directeur des financements
et de la trésorerie chez Fraikin. Tou-
tes les banques nous disent que cela
pourrait assécher le marché et elles
conditionnent leurs propositions de
financement à l’évolution des mar-
chés. La Bourse est e xtrêmement vola-
tile, on ne peut pas non plus exclure
qu’elle se reprenne en fonction des
annonces à venir, sanitaires ou de la
BCE. »
Cependant, pour Julien Marcilly,
chef économiste de la Coface, même
si la banque centrale réinjecte de la
liquidité sur les marchés, la pru-
dence doit primer. « En 2008,
l’assouplissement de la politique
monétaire ne s’est pas traduit par une
baisse générale des coûts de finance-
ments », rappelle-t-il. Lors de la crise
financière, tout le monde s’était féli-
cité de la baisse des taux de la Fed,
mais les conditions de crédit ne
s’étaient pas détendues.n
L’accès au financement se complique
Anne Drif
@ANNDRIF
et Thibaut Madelin
@ThibautMadelin
Face à la crise, Bruno Le Maire a
répété lundi son appel aux banques.
« Je compte évidemment sur le sou-
tien des banques. Les banques se sont
engagées à faire preuve de solidarité, à
étaler des échéances d e crédit, en parti-
culier pour des PME qui seraient en
difficultés » , a-t-il déclaré, annonçant
un soutien particulier de bpifrance.
La Fédération bancaire française a
affirmé la « totale mobilisation » du
secteur.
« Il y a des financements tendus ,
reconnaît de fait un grand dirigeant
de banque. Il va falloir les traiter un à
un. La BPI peut jouer un rôle, les ban-
Alors que Bruno Le Maire
a demandé aux banques
d’assouplir leurs conditions
de crédit pour les entrepri-
ses les plus en difficulté,
elles sondent leurs clients
tous azimuts.
Romain Gueugneau
@romaingueugneau
et Edouard Lederer
@EdouardLedrer
Face à la crise, le gouvernement
emploie les grands moyens. Pour
s’assurer du soutien plein et entier
des banques afin d’aider les entre-
prises mises en difficulté par l’é pi-
démie de coronavirus, Bercy
n’hésite pas à lancer une proposi-
tion choc : remettre en cause les
règles prudentielles des banques de
la zone euro.
« Si nous voulons que les banques
répondent présentes, qu’elles puis-
sent étaler par exemple les échéances
de crédit des PME, il faut que, au
niveau européen, on ne les oblige pas
à passer dans leurs bilans un certain
nombre d’engagements qui dégrade-
ront les conditions sur les marchés » ,
a indiqué Bruno Le Maire lundi, à
l’issue d’une réunion avec les fédé-
rations professionnelles. Le minis-
tre de l’Economie et des Finances
assure s’être déjà entretenu avec la
présidente de la Banque centrale
européenne (BCE), Christine
Lagarde, sur le sujet. « Les règles
prudentielles doivent s’adapter à
cette situation exceptionnelle, il faut
que tout le monde joue le jeu. » La
BCE doit se réunir jeudi pour déci-
plété, espèrent les banques françai-
ses, par l’abandon du coussin con-
tracyclique, une surcharge en
capital que les prêteurs doivent
appliquer sur leurs crédits. Actuel-
lement de 0,25 % de leurs exposi-
tions en France, cette surcharge doit
passer à 0,5 % le mois prochain.
« Bercy veut nous convaincre de ne
pas nous restreindre sur le crédit. On
pourrait donc retirer à présent ce qui
a été mis en place pour éviter une sur-
chauffe » , explique un banquier. A
ce stade, rien n’est décidé. Le Haut
Conseil de stabilité financière
(HCSF), que préside Bruno Le
Maire, doit se réunir la semaine
prochaine.
Face aux effets de la crise sur la
santé des PME, bpifrance a d’ores et
déjà été mise à contribution. La
banque publique a réactivé la
semaine dernière le plan d’urgence
imaginé par les autorités en 2008,
avec une hausse des niveaux de
garantie des prêts. Elle devrait éga-
lement voir son champ d’action
élargi pour aider non seulement les
PME mais aussi des entreprises de
taille intermédiaire (ETI).n
BANQUE
Plusieurs pistes sont
envisagées au minis-
tère de l’Economie
et des Finances pour
inciter les banques
à soutenir les entrepri-
ses en difficulté.
Parmi les idées suggé-
rées à la Banque
centrale européenne
figure un report
des « stress tests ».
der de la politique monétaire à
adopter face à la crise. A Bercy, on
considère que la situation devient
en effet critique. En témoigne le
mouvement de panique sur les
Bourses mondiales. Ce lundi,
l’indice CAC 40 s’est écroulé de
8,4 %, sa pire séance depuis 2008.
« Cela tangue fort, notamment sur
les valeurs bancaires. Raison de plus
pour faire preuve de souplesse » , jus-
tifie Bruno Le Maire. Lundi, Natixis,
Crédit Agricole SA et Société Géné-
rale ont vu leurs cours de Bourse
s’effondrer entre 17 et 18 %. BNP
Paribas reculait de 12,3 %.
Parmi les pistes envisagées à
Bercy f igure un rallongement des
délais avant que les prêts non
remboursés ne soient considérés
comme « non performants »
(« Non Performing Loans » (NPL)
ou créances douteuses). Actuel-
lement, les banques sont dans
l’obligation de couvrir les créan-
ces d’entreprises en cas de retard
de paiement supérieur à 90 jours.
Si c e délai est rallongé, le stock de
NPL progressera moins vite et la
banque conservera des marges
de manœuvre pour prêter. Le
niveau de NPL intervient en effet
dans le ratio de solvabilité de la
banque (CET1), un indicateur clé
de la santé de l’établissement,
surveillé de près par les marchés.
« Ce sont des choses technique-
ment gérables » , indique un ban-
quier. « Le risque avec ces solu-
tions, c’est leur dimension
autoréalisatrice : si on les utilise,
certains diront qu’il y a un pro-
blème à résoudre » , prévient-il.
Coussin contracyclique
Autre élément de réflexion poussé
par Bercy : le report des « stress
tests ». L’Agence bancaire euro-
péenne (EBA) a lancé, fin janvier,
l’édition 2020 de ces tests de résis-
tance auxquels sont régulièrement
soumises les banques, afin de mesu-
rer leur solidité en cas de crise systé-
mique. Les résultats seront publiés
le 31 juillet. « Je ne suis pas sûr qu’il
soit approprié de mener les tests dans
le climat actuel » , souffle une source
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, assure s’être entretenu avec la présidente de la BCE
Christine Lagarde sur les « règles prudentielles » qui s’appliquent aux banques. Photo Hamilton/RÉA
au ministère. Reste à savoir com-
ment cette idée sera accueillie. Inter-
rogée sur d’éventuels ajustements, l a
BCE indique s implement « surveiller
de près l’évolution de la situation et
être en contact avec tous les établisse-
ments supervisés ».
Pour l’heure, les autorités bancai-
res européennes se concentrent sur
les effets purement opérationnels
de la crise. Dans un récent courrier
aux grandes banques, le supervi-
seur leur a demandé de passer en
revue leurs plans de continuité. Cet
arsenal anticrise pourrait être com-
Bercy prêt à tout pour mobiliser les banques
Parmi les pistes
envisagées à Bercy
figure un
rallongement
des délais avant
que les prêts non
remboursés ne soient
considérés comme
« non performants ».