Le Monde Diplomatique - 03.2020

(Elle) #1

HISTOIRE DANS LES REVUES


SEPTFONDS 1939-1944. Dans l’archipeldes
camps français.–Geneviève Dreyfus-Armand
Le Revenant, Perpignan,
2019, 510 pages, 25 euros.
«Camp de séjour surveillé»,«camp de concen-
tration»:selon ses étiquettes administratives suc-
cessives, le camp de Septfonds fait partie d’une
mémoire oubliée, vite occultée. Celle de l’inter-
nement de ces«indésirables»que furent les réfu-
giés espagnols, puis les«Juifs étrangers». En
mars 1939, faceàl’afflux des premiers, dont les
autorités françaises redoutent le caractère subver-
sif, un système d’internementest improvisé. Dans
cet«archipel des camps français»,Septfonds est
un«îlot».Geneviève Dreyfus-Armand s’attache
àbrosser un portrait précis et vivant des réfugiés
espagnols qui peuplèrent ces baraques bâtiesàla
hâte, rendant ainsiàlamémoire leurs destins.
Dépeints en criminels par la propagande du géné-
ral Francisco Franco, ils sont perçus avec
méfiance et traités avec brutalité et cynisme côté
français. Déplacés d’un campàunautre, nom-
breux sont ceux qui se joignentàl’effort de guerre
de leur pays d’accueil pour échapperàleur sort.
Aucune gratitude ne leur en sera témoignée. Sept-
fonds deviendra en 1942 l’antichambre de Mau-
thausen et d’Auschwitz.
FABRICE SZABO

LESVARIATIONS DE LA CITERNE.–Jan
Wagner
Actes Sud, Arles, 2019, 132 pages, 16 euros.
Le poète allemand JanWagner (né en 1971)
explore un domaine qui évoque Francis Ponge et
son«parti pris des choses».Du moins pour ses
sujets d’étude (chatondesaule, moucherons,
draps, clous...), car c’est d’abord par son inventive
maîtrise de l’écriture qu’il s’impose. La plupart
des poèmes consistent en une description qui addi-
tionne les détails et les notations biographiques,
mais ils sont immédiatement tirés dans une autre
dimension par une conjonction de trouvailles. Cri-
tique littéraire, traducteur,Wagner ne se contente
pas de se saisir d’un réel qu’ignorent d’habitude
les poètes. Il transformesaphrase en la coupant
de façonàceque chaque segment ait un maximum
de tension, en exploitant les ressources des
diverses formes de strophes, en dissociant certains
mots dont il rejette la seconde partieàlaligne,
voire au début du quatrain ou tercet suivant... ce
qui contribueàchanger profondément nos sensa-
tions de langage,àouvriràunlyrisme concret,
très justement rendu par la traduction de Julien
Lapeyre de Cabanes et Alexandre Pateau.
GÉRARD NOIRET

IDÉES


Inventerdes problèmes


D


ISPARUen 1995, le dramaturge allemand
HeinerMüllern’est pas vraiment dans l’air
du temps. Son œuvre, certes intimidante,
mais colossale, n’est plus guère représentée. Comme
si elle étaittrop liéeàl’histoire tragique des révolutions
et du«court XXesiècle», obsolète aux yeux du
«nouveau monde». La publication d’un recueil d’en-
tretiens (1) vient démentir cette impressionparesseuse :
le spectre de l’œuvre de Müller peutàbon droit
hanter encore les scènes et vient,àdéfaut, percuter
vivement l’esprit de qui le lit.L’ouvrage reprend
une vingtaine de conversations et d’entretiens menés
entre 1975 et 1995 avec divers interlocuteurs, et
non des moindres (le cinéaste Harun Farocki; Ruth
Berghaus, qui dirigea le Berliner Ensemble;Erdmut
Wizisla, le directeur des archives Brecht et des
archives BenjaminàBerlin).

Une introduction éclairantedeJean Jourdheuil,
qui aconçu l’ouvrage, permetdeprendrelamesure
des contextes dans lesquels ils se déroulent;celui,
bien sûr,delanotoriété grandissante de Müller, et
surtout celui de l’évolution du«socialisme réellement
existant». Car c’est bien la question politique qui
détermine cette parole. Pasàlafaçon dont un commen-
tateur épiloguerait sur l’actualité, maisàlafaçon de
Müller:un«auteur de pièces», un poète, sarcastique,
àlavue historique longue, qui n’a pas souhaité
rejoindre l’Ouest et quiafait de la République démo-
cratique allemande«son atelier et son matériau»,
sans pour autantnourrir aucune illusion sur le régime...

L’ouvrage ne se résume cependant pasàun
précieux document historique. Il vaut aussi pour
aujourd’hui,àraison de sa distance systématique
avec le tout-venant de ce qui s’y pense.L’effet est
saisissant. Il provient au moins autant de ce qui se
dit que de la dynamique même de la pensée. On
retrouve, bien sûr,legoût des paradoxes de Müller,
et son humour(«Si onregarde une pièce de Beckett
de manièrevéritablement intense, on ne peut qu’en
tirer la conclusion qu’il faut dès le lendemain entrer
au Parti communiste. C’est une pièce très
productive»).Mais là n’est pas l’essentiel. Müller
déplie les questions de façon singulière. C’est que

«les problèmes manquent»:«Ilyabeaucoup de
solutions mais trop peu de problèmes. Il s’agit plutôt
d’inventer des problèmes, de trouver des problèmes
et de leur donner de l’importance. Ensuite, les
solutions se trouvent toutesseules–ellessont dans
toutesles poubelles.»Cette manière de créer des
problèmes est assurément l’une des marquesinva-
riantes de ces propos.

Dire que la politique détermine la pensée n’est
vrai qu’à condition de préciser qu’ellen’en est pas
pour autant le sujetprincipal.Mülle rinterrogeavant
tout l’art,soit le cinéma, la danse et, bien sûr,le
théâtre–lesien, celui de BertoltBrecht,deJean
Genet... Au gré des années, les textesrévèlent la
façon dont il envisage son travail, la fonction de ses
œuvres, ses inquiétudes(«Chaque nouvelle possibilité
de rendreabstrait le fait de tuer fait baisser le seuil
d’inhibition»),àlafois tendu par la conjoncture et
lui résistant. Il pense l’art simultanément du point
de vue de sa pratique, de son histoire et de ses
enjeux. Il lui désigne ainsi une place qui semble
désormais bien inaudible,«entrelecrime et l’État.
L’État est naturellement le crime le plus grand. Mais
l’énergie criminelle individuelle est, je crois,
importante pour toute société. Et l’art peut accueillir
cette énergie, la sublimer et, peut-être, ajourner la
saisie de cette énergie par l’État».

Quelquetempsaprès la chute du Mur,ild éclarait:
«C’est une époque où il faut enterrer la doctrine le
plus profondément possible, comme dirait Brecht,
pour que les chiens ne puissent pas l’atteindre. Et
ce jusqu’à ce qu’on puisseànouveau la déterrer et
la confronteràune réalité nouvelle, transformée(2).»
Ne serait-il pas l’heure d’aller la déterrer?

OLIVIERNEVEUX.

(1) Heiner Müller,Conversations. 1975-1995,édition préparée
et présentée par Jean Jourdheuil, Les Éditions de Minuit, Paris,
2019, 368 pages, 29 euros.
(2) Heiner Müller,Fautes d’impression.Textes et entretiens,
L’Arche, Paris, 1991.Cf.aussi l’important dossier que lui a
consacré la revueEurope,no1068, Paris, avril 2018, 384 pages,
20 euros.

LITTÉRATURE


Fantasy gay


L


ONGTEMPS,lafantasyaété considérée comme
machiste. Elle étaitsymboliséepar l’image
d’un barbarebodybuildéayantàses pieds
une créatureàdemidénudée qui jetait sur luides
regards oscillant entrel’admirationpureetledésir
fou –àl’ins tardes illustrations diversesduConan
de Robert Howard (1932),qui, d’ailleurs,mérite
bien mieux. Mais la fantasyaaussi su prendre
d’autres voies, et elle s’ouvre aujourd’hui aux
personnages gays.

Le héros d’Àlapointe de l’épée(1), réédité
aujourd’huicomme un classique de la fantasy de
cape et d’épée, en offre un exemple frappant. Bretteur
surdoué, comme il se doit, il défaitdes méchants,
ridiculise des nobles et vit de réjouissantes amours
avec son compagnon Alec. Mais jamais cetteorien-
tation sexuelle n’est soulignée. Mariée depuis 2004
àsacoautrice Delia Sherman, EllenKushner ne se
veut pas militante.«Pour moi,nous dit-elle,tout
cela est parfaitement naturel. Je suis une créature
urbaine, j’ai vécuàNew York dans les années 1980,
qui étaient très gays. J’ai transposé le monde que
j’avaisconnu. La fantasy est assez peu sexuelle,
elle s’occupeplutôt du bien et du mal et de leur
combat;lamienne diffèreunpeu. Mais j’ai été très
surprise quand tant de gens m’ontremerciée d’avoir
donnéàl’homosexualité une place normale, pas
angoissante. Je n’y avaispas penséenl’écrivant.»
Sur le plan littéraire, elle avoueson admiration pour
Fritz Leiber, qui avait imaginé en 1970, dansLe
Cycle des épées(le Livre de poche), une«amitié»
entre deux hommes.«Ontrouve beaucoup dans le
genredeces fameuses amitiés entrehommes, et je
voulais les pousser un peu.»Ce que font aussi
certains fans:les spéculations vont bon train sur les
liens réels entre Sam et Frodon (douteux...), ou
Legolas et Gimli (plus vraisemblable), dansLe
Seigneur des anneaux,de J. R. R.Tolkien (Pocket),
qui date de 1954, ou entre Fitz et le fou, protagonistes,
quarante ans plus tard, deL’Assassinroyal,de Robin
Hobb (J’ai lu).«Ilyaaujourd’hui une concordance
entreune volonté de visibilité de la communauté
gay,une pratique culturelle du lectorat et la présence
de plus en plus grande de personnages LGBT
[lesbiennes, gays, bisexuels et trans]dans les livres»,
dit Arnaud Alessandrin, coauteur deFan studies,
gender studies(2).

Sans masques, dansLe Trône de fer(Pygmalion),
de George R. R. Martin, devenu un triomphe mondial

avec la sérieGame of Thrones,plusieurs personnages
entretiennent des relations ouvertement homosexuelles,
tout comme dans la trilogie de N. K. JemisinLes
Livres de la terrefracturée(J’ai lu), tripleprix
Hugo (3). Cetteévolution s’est faiteprogressivement,
pour l’essentielàpartir des années 1960, avec des
textes devenus des classiques:dès 1953, la nouvelle
de Theodore Sturgeon«Monde interdit»(«The
World Well Lost») présente des extraterrestres homo-
sexuels.Àlafin des années1960, avecLa Main
gauche de la nuit(Robert Laffont), Ursula Le Guin
inventeunmonde où le sexe est indéterminéetoù
chacun choisit le sien, tandis que le héros de Michael
MoorcockJerry Cornelius, dans le roman du même
nom (L’Atalante), est bisexuel.

En France,ilfaudra attendre les années1980,
avec la nouvelle de Christine Renard«Lecrocodile»
(1984) et les romans de Francis Berthelot, en particulier
La Lune noired’Orion(1980), où l’amour homosexuel
sert àmaintenir l’équilibre planétaire...Aujourd’hui,
Sabrina Calvo, auteure transgenre d’abord publiée
sous le nom de David Calvo, fait vivre dansToxo-
plasma(La Volte, 2017) des héroïnes gays et interroge
la transidentité.

«Jecrois que l’homophobie dans la fantasy est
derrièrenous,déclare Stéphanie Nicot, directrice
artistique du festival Les Imaginales d’Épinal,même
si des auteurs comme Dan Simmons ou Orson Scott
Cardcontinuent d’y céder.Lameilleurepreuve de
cetteévolution est que des œuvres qui ne sont pas
écrites par des auteurs LGBT intègrent des
personnages qui, eux, le sont. Ainsi Laurent Genefort
met-ilenscène dansÉtoiles sans issue [Scrineo,
2017]une fillebiologiquement modifiée, et Estelle
Faye,lafascinationmutuelle de deux femmes dans
Les Nuages de Magellan [Scrineo, 2018].Présenter
un personnage LGBT,maintenant, ce n’est plus être
militant, c’estrendrehommageàlavraie vie etàsa
diversité.»

HUBERTPROLONGEAU.

(1) Ellen Kushner,Àlapointe de l’épée,traduit de l’anglais
par Patrick Marcel, Actu SF,coll. «Perles d’épice», Chambéry,
2019, 350 pages, 24,90 euros.
(2) Mélanie Bourdaa et Arnaud Alessandrin (sous la dir.de),
Fan studies, gender studies:lar encontre,Téraèdre, coll.«Passages
aux actes», Paris, 2017, 184 pages, 19 euros.
(3) Lire Guillaume Barou,«Inventer dans le chaos»,Le Monde
diplomatique,juin 2019.

oFOREIGNPOLICY.Contrairement aux
idéesreçues et aux affirmations de la propagande
occidentale,laRussien’ac cumule pas les succès
stratégiques. Une social-démocratie qui nevou-
drait pasréorienter le capitalisme mais plutôt
le transcender est-elle possible,enparticulier
aux États-Unis?(N° 235, hiver,trimestriel,
13,95 dollars.–Washington, DC,États-Unis.)

oHARPER’S.Reportage sur une convention
de jeunes conservateurs américains qui débattent
de ce que devrait êtreladroiteaprès M. Donald
Trump,etqui ont au moins en commun de
détester Google et Facebook.(N° 2037,février,
mensuel, 7,99 dollars.–New Yo rk,États-Unis.)

oTHENEWYORKREVIEW OFBOOKS.
Une analyse (malheureusement très convenue)
de ce que devrait êtrelapolitique étrangère
des candidats démocrates;comment le droit
favorise la richesse etl’inégalité; M. Boris
Johnson ou le triomphe del’opportunisme.
(Vol. LXVII, n° 2, 13février,bimensuel, 8,95 dol-
lars.–New Yo rk,États-Unis.)

oNEWLEFT REVIEW.Michael Hardt et
Antonio Negri se proposent derepenserl’empire
àl’èredeM.DonaldTrump;révoltes de la jeu-
nesse en Indonésie;réflexions sur la carrièrede
M. Jean-ClaudeJuncker,ancien président de la
Commission européenne,etsur la culturepoli-
tique del’Union. (N° 120, novembre-décembre,
bimestriel, 12 euros.–Londres,Royaume-Uni.)

oCATALYST.Cul-de-sacpolitique pour le
maoïsme indien, encorepuissant?Les origines
économiques del’incarcération de masse aux
États-Unis. Paralysie politique en Israël. (Vol. 5,
n° 3, automne,trimestriel, 15 dollars.–Jacobin
Foundation, NewYork,États-Unis.)

oDISSENT.Naomi Klein présenteles thèses
de son livreenfaveur d’un «New Deal»écolo-
gique;lemouvement ExtinctionRebellion a-t-il
un avenir?Barcelone en Catalogne,Jacksonville
au Mississippi:peut-on construirele«socialisme
dans une seule ville»?(Hiver,trimestriel, 18 dol-
lars.–New Yo rk,États-Unis.)

oSOCIALISTREVIEW.Australie:les incendies
avaient étéannoncés depuis longtemps par des
scientifiques. Quels enjeux pourl’élection du
nouveau dirigeant du Parti travaillistebritannique?
(N° 454,février,mensuel,3livres sterling. –
Londres,Royaume-Uni.)

oGLOBALASIA.L’air n’apas de frontières.
Faut-il établir en Asie du Nord(Chine,Japon,
Corée du Sud) une convention commune pour
lutter contrelapollution?(Vol. 14, n° 4, décem-
bre, trimestriel, abonnement un an:40dollars.
–Séoul, Corée du Sud.)

oNUEVASOCIEDAD.Crise migratoireen
Amérique centrale.Soulèvement des masses
en Équateur.L’échec du«modèle»chilien.
(N° 284, novembre, bimestriel, abonnement un
an :107 dollars.–Buenos Aires, Argentine.)

oFALMAG.Unnumérodouble détaille les
résistances et lesrébellions en cours en Amérique
latine.DelaPatagonieàHaïti, un dossier extrê-
mement riche,agrémentédemagnifiques pho-
tographies. (N° 142-143, juillet, trimestriel,
5euros.–Paris.)

oMOYEN-ORIENT.Existe-t-il un risque de
conflitnucléaireauProche-Orient et dans la
péninsule arabique?Entout état de cause,les
projets de développement del’énergie atomique
ne manquent pas dans larégion, alimentant
tensions diplomatiques et militaires. (N° 45,
janvier,trimestriel, 10,95 euros.–Paris.)

oAFRIQUEMIDIMAGAZINE.Cenouveau
magazineaccorde une large placeàl’ancien
président ivoirien Laurent Gbagbo,acquitté
par la Cour pénale internationale.S’agissait-il
d’un procès politique pour le«nouveau Man-
dela»del’Afrique?Àsignaler,une nécrologie
du franc CFA. (N° 1, janvier,bimestriel,
4,50 euros.–LaGarenne-Colombes.)

oSOLIDAIRESINTERNATIONAL.Cenuméro
entièrement consacréàlaPalestine dresse un
état des lieux de la situation dans lesterr itoires
occupés et donne la paroleàdes militants
palestiniens, israéliens et internationaux.(N° 14,
hiver,trimestriel,8euros.–Paris.)

oNAWAAT.Lesited’information tunisien lance
un magazine trimestriel qui expose les raisons
de croireenlatransition démocratique que
connaît laTunisie depuis 2011. (N° 1, janvier,tri-
mestriel, 10 dinars tunisiens.–Tunis,Tunisie.)

oQUESTIONS INTERNATIONALES.«Russie,
une puissance solitaire»,titrecenumérodont
le contenunuance sensiblementl’intitulé.Des
synthèses surl’armée,les institutions politiques
et le cinéma.(N° 101, janvier-f évrier,bimestriel,
9euros.–Paris.)

oREVUE MILITAIRE GÉNÉRALE.. Les consé-
quences des guerressur les populations et les
peuples.Ànoter ,unarticle qui fait le point sur
ce qu’ilrestedes théories de la contre-insur-
rectionréapparuesaprèsl’invasion del’Irak par
une coalition menée par les États-Unis. (N° 55,
septembre, trimestriel, gratuit en ligne.–Paris.)

oACTES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES
SOCIALES.. Dans une livraison qui traitedu
service des riches, une enquêteétudie les
employésdel’hôtellerie de luxe, une autreles
hôtesses del’air en premièreclasse,une autre
les promoteurs de soirées VIP,une autreles
coachs detennis et deyoga.(N° 230, décembre,
trimestriel, 16,20 euros.–Paris.)

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MARS 2020–LEMONDEdiplomatique


POÉSIE


SPORTS


MUSIQUE


UN POUR MILLE.L’incertitude de lafor-
mation au métier defootballeur professionnel.
–Hugo Juskowiak
Artois Presses Université, coll.«Cultures
sportives», Arras, 2019, 228 pages, 18 euros.
Un candidat sur millefera carrière dans le football.
Comment les acteurs mandatés pour sélectionner
et former ce seul footballeur s’y prennent-ils, et
comment les 999 autres vivent-ils cette situation?
Àtravers une étude au long cours menée dans
trois clubs du nord de la France et dans un centre
fédéral de préformation, l’auteur,maître de confé-
rences en sociologie, décritàquel point le prestige
du métier de footballeur met sous pression toute
la filière. Imposée par le club de haut niveau, qui
choisira l’élu au sein de la masse, cette pression
descend vers les éducateurs et se répand parmi
les jeunes gens, qui acceptent des règles coerci-
tives et parfois illisibles. Cette description de l’en-
vers méconnu d’un monde ultramédiatisé incite
àsedemander si c’est la raréfaction des ascenseurs
sociaux qui permet que tant de violence symbo-
lique s’exercedans ce milieu...
FRANÇOIS BOREL-HÄNNI

HISTORIANATURAL.–Los Pirañas
Glitterbeat/Differ-Ant, 2019, CD (13 euros),
vinyle (19 euros), numérique (8 euros).
L’œil tente de se frayer un chemindans la pein-
ture de Mateo Rivano qui orne la pochette:forêt
tropicale,favela,montagnes, gratte-ciel,barrage
hydroélectrique, volcans, migrants, militaires,
ossements, ciel de feu... Le tout forme un pay-
sage apocalyptique dominé par les visages, taillés
dans la pierre, des membres du groupe Los Pira-
ñas :leguitariste Eblis Alvarez, le bassiste Mario
Galeano et le batteur Pedro Ojeda.Troisième
album du trio instrumental,Historia natural
peint aussi un enchevêtrement de surf music,
rock psychédélique, dub et saturations électro-
niques dans la jungle toujours festive des
rythmes colombiens, de la cumbia au vallenato.
Tous ces genres se télescopent dans les clubs de
Bogotá,àlavitalité desquels Alvarez (Meridian
Brothers), Galeano (Frente Cumbiero) et Ojeda
(Romperayo) contribuent avec leurs groupes res-
pectifs depuis une vingtaine d’années, propulsant
vers l’avant-garde des références qui remontent
jusqu’aux années 1950.L’addition de leurs appé-
tits répercute la frénésie des métropoles de l’hé-
misphère Sud, où se rencontrent aujourd’hui des
scènes remarquablement créatives.
ÉRIC DELHAYE
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