Le Monde - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1
0123
VENDREDI 13 MARS 2020 économie & entreprise| 19

La crise due au coronavirus a en­
gendré des villes fantômes : Wu­
han, Pékin, Milan... Elle fabrique
aussi des aéroports fantômes.
Depuis début mars, le trafic aé­
rien a chuté de 20 % en France et
la compagnie nationale pré­
voyait, le 10 mars, l’annulation
de 3 600 vols. Ce sera beaucoup
plus. Le blocus annoncé dans la
nuit du 11 au 12 mars par Donald
Trump à l’adresse des voyageurs
provenant d’Europe continentale
fait s’effondrer le pan le plus so­
lide et le plus rentable des com­
pagnies aériennes européennes.
Un mois de ce régime peut plon­
ger une bonne partie d’entre el­
les dans de profondes difficultés
de trésorerie. Et que dire du tou­
risme et, à présent, du com­
merce, avec les fermetures de
magasins décrétées en Italie!
La crise du Covid­19 se propage
donc par ses éléments que l’on
croyait les plus solides. En blo­
quant la circulation des hom­
mes, elle asphyxie l’économie
réelle. Une situation contraire à
celle de la précédente crise de
2008­2009, mais qui risque
d’aboutir au même résultat. A
l’époque, ce sont les banques, et
non les transports et les com­
merces, qui avaient conges­
tionné le système. Tout d’un
coup, elles ont arrêté de prêter de
l’argent aux entreprises, car
elles­mêmes ne pouvaient plus
se financer. Le système était vé­
rolé de l’intérieur et l’endette­
ment des entreprises et des mé­

nages était bien plus important,
notamment aux Etats­Unis.
Aujourd’hui, la rentabilité des
entreprises est meilleure, leur
endettement, plus faible, ainsi
que celui des ménages. De plus,
la crise sanitaire devrait en théo­
rie être plus courte : un trimestre
ou deux, au lieu de presque deux
ans en 2008­2009. Courte, mais
extrêmement violente et pou­
vant donc laisser des traces dura­
bles, voire faire basculer le
monde dans la récession.

Carcan réglementaire
C’est pourquoi la priorité sera dé­
sormais de voler au secours de la
trésorerie des entreprises les
plus fragilisées. Il faut empêcher
les faillites. La responsabilité des
Etats va être de donner leur ga­
rantie aux sociétés en difficulté
afin que les guichets de finance­
ment leur restent ouverts et de
desserrer le carcan réglementaire
pour que les établissements ban­
caires ne se retrouvent pas con­
traints par leurs règles de pru­
dence à fermer le guichet.
Ce sont les derniers instruments
aux mains des décideurs. A la dif­
férence de 2008, les banques cen­
trales n’ont plus de latitude. Les
taux d’intérêt sont au plus bas, du
moins en Europe, et des quantités
d’argent considérables ont été dé­
versées sur les marchés pour sou­
tenir l’économie. Comme on dit
chez Air France, en cas de gros
trou d’air, attachez vos ceintures
et faites confiance au pilote !

PERTES & PROFITS|COVID­
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Empêcher


les faillites!


A U TO M O B I L E
Les ventes de voitures
s’effondrent en Chine
Les ventes automobiles ont
plongé de 79 % en février en
Chine, soit la plus forte baisse
mensuelle jamais enregistrée,
en raison d’une demande
plombée par la pandémie de
Covid­19, a annoncé, jeudi
12 mars, l’association chinoise
des constructeurs automobi­
les (CAAM). Le niveau des
ventes est revenu à celui en­
registré en 2005. – (Reuters.)

A G R O A L I M E N TA I R E
PepsiCo avale les
boissons énergisantes
de Rockstar
Le géant américain des sodas
et des snacks, PepsiCo, a an­
noncé, mercredi 11 mars,
avoir trouvé un accord pour
acquérir Rockstar, spécialiste
des boissons énergisantes.
L’opération devrait se con­
clure pour un montant de
3,85 milliards de dollars, soit
3,4 milliards d’euros. Fondé
en 2001, Rockstar, principal
rival de l’autrichien Red Bull,
fabrique une trentaine de
boissons destinées aux jeu­
nes consommateurs qui dé­
laissent les sodas. – (AFP.)

D I S T R I B U T I O N
Maisons du monde
affecté par les grèves
et le Covid-
Le distributeur de meubles et
d’objets de décoration Mai­
sons du monde a annoncé,
mercredi 11 mars, que ses ven­
tes au premier trimestre ont
souffert de « la grève des doc­
kers à Marseille, qui a retardé
le réapprovisionnement des
stocks », et du Covid­19, qui a
entraîné une « perturbation
temporaire de notre chaîne lo­
gistique en Chine ainsi qu’un
ralentissement du trafic en
magasins dans les pays les
plus affectés tels que l’Italie »,
où l’enseigne exploite 48 ma­
gasins. Ses ventes avaient
progressé de 10,3 % (+ 3,6 % à
périmètre comparable) à
1,225 milliard d’euros en 2019.

Portabilité des données :


les petits pas de Facebook


Le réseau social facilite le transfert de photos
de son système vers son rival Google

S


i vous avez accumulé des
photos depuis des années
sur votre compte Facebook,
vous pouvez désormais les expor­
ter vers la photothèque Google
Photos, en quelques clics. Cette
annonce pratique, faite par Face­
book mardi 10 mars, permet à
l’utilisateur de transférer certai­
nes de ses données entre les servi­
ces de deux géants rivaux dans le
numérique. Un geste rare du ré­
seau social, mais à relativiser.
Ce type de passerelle réjouira
tous les internautes frustrés par le
manque de comptabilité entre les
différents réseaux. Et par la diffi­
culté à quitter une plate­forme
pour en rejoindre une autre. Faci­
liter les transferts est aussi une
demande des pouvoirs publics
pour renforcer la concurrence.

Des conditions posées
Ce droit de migration numérique
est regroupé sous l’expression
« portabilité des données ». Une
obligation déjà imposée dans le
secteur des télécoms. Facebook
dit embrasser ce principe général.
Il a notamment lancé, en 2018, le
Data Transfer Project, une initia­
tive privée dans laquelle il s’est as­
socié à Google, Apple, Microsoft et
Twitter pour créer des outils
d’échange. Le pont entre Facebook
et Google Photos est le premier.
« Développer pour nos utilisa­
teurs de nouvelles façons de se con­
necter et de partager, tout en leur
donnant toujours plus de contrôle,
est une part importante de notre
travail au sein du Data Transfer
Project et de nos engagements
avec les décideurs publics, assure
Bijan Madhani, responsable de la
portabilité des données chez Face­
book. Nous souhaitons faire avan­
cer les discussions autour de cette

question et garantir la protection
de la vie privée, stimuler l’innova­
tion et donner aux gens le choix de
transférer leurs données vers des
services qu’ils jugent utiles. »
Toutefois, l’entreprise de Mark
Zuckerberg met des conditions
pour aller plus loin : en septem­
bre 2019, elle a publié un Livre
blanc pour exposer les obstacles
juridiques et techniques que po­
serait la portabilité des données.
Exporter sa précieuse liste de con­
tacts vers un autre réseau social
pourrait ainsi, selon Facebook,
poser un problème de vie privée.
D’ailleurs, la firme avait au départ
enlevé les dates des images trans­
férées vers Google Photos, avant
de se raviser. Elle demande une
clarification de la régulation.
Sur « l’interopérabilité », qui per­
mettrait à l’utilisateur d’envoyer
des messages d’un réseau social à
un autre, Facebook y serait favo­
rable si elle était volontaire, mais
opposé si celle­ci était obligatoire.
Une façon de préserver les échan­
ges prévus dans le rapproche­
ment de ses messageries Messen­
ger­WhatsApp­Instagram. Tout
en combattant les initiatives qui
imposeraient un standard mini­
mal pour permettre aux plates­
formes de communiquer entre el­
les. C’est pourtant un standard
commun qui permet aux logiciels
d’emails d’échanger entre eux. Un
parallèle réfuté par Facebook. Se­
lon la firme, les réseaux sociaux
se distinguent par une forte inno­
vation. Et des mesures coercitives
la freineraient. Mais la pression
politique monte. En France, à la
Commission européenne ou aux
Etats­Unis, certains songent à
renforcer les obligations de porta­
bilité et d’interopérabilité.
alexandre piquard

Homéopathie : pilule amère


pour les salariés du groupe Boiron


Le déremboursement progressif décidé par le gouvernement en 2019 a affecté l’activité
du laboratoire, qui va supprimer 646 emplois en France, soit un quart de ses effectifs

B


oiron a fait dans le remède
de cheval, voire la méde­
cine dure, comme le re­
doutaient employés et syndicats.
Le laboratoire lyonnais, spécialisé
dans les produits homéopathi­
ques, a annoncé, mercredi 11 mars,
la suppression de 646 postes en
France, soit le quart de ses effectifs
dans l’Hexagone. Il justifie ce plan
social sans précédent par « les at­
taques virulentes, injustifiées et réi­
térées contre l’homéopathie en
France », deux ans après la déci­
sion du gouvernement de suppri­
mer progressivement son rem­
boursement par les caisses d’assu­
rance­maladie (le dérembourse­
ment sera total en 2021).
Créé en 1932, le groupe emploie
3 700 personnes dans le monde,
mais seules ses activités hors de
France sont épargnées. Au total,
13 des 31 sites français seront fer­
més : l’usine de Montrichard
(Loir­et­Cher), l’un de ses trois
centres de production sur le terri­
toire, et douze établissements de
préparation­distribution, comme
ceux d’Avignon, de Grenoble, de
Paris­Ivry, de Rouen et de Stras­
bourg. L’entreprise va aussi « réor­
ganiser » ses équipes commercia­
les « pour s’adapter à cette nou­
velle donne », ce qui entraînera
des licenciements. Le plan de sau­
vegarde de l’emploi sera un peu
atténué par la création de 134 pos­
tes. Et, pour l’heure, une seconde
vague de licenciements semble
exclue par la direction.

Ce plan est le prix à payer, selon
le laboratoire, leader mondial de
ce secteur, pour « pérenniser l’en­
treprise et assurer son avenir et ce­
lui des salariés qui restent ». Le
marché hexagonal représente, en
effet, près de 60 % de ses ventes.
Or celles­ci ont chuté depuis le dé­
but des déremboursements (de
30 % à 15 % au 1er janvier 2020). Se­
lon les résultats d’activité de 2019
publiés à la fin janvier, le chiffre
d’affaires est tombé à 557 millions
d’euros (– 8,6 %) et les ventes ont
plus fortement reculé (– 12,6 %)
dans l’Hexagone, avec un recul
encore plus net au quatrième tri­
mestre (− 14,9 %). Le bénéfice net,
publié mercredi 11 mars, jour de
l’annonce du plan, s’en ressent : il
a chuté de plus de 29 % (à
40,6 millions d’euros).
« La direction nous avait avertis
il y a quelques jours, mais c’est
quand même un coup de massue,
réagit Isabelle Fréret, responsa­
ble de la branche industrie phar­
maceutique à la CFE­CGC. La di­

rection cherche des mesures pour
éviter tout débordement social,
mais à moindre coût. » Les syndi­
cats et les salariés soulignent que
l’entreprise dispose encore d’une
trésorerie solide de 210 millions
d’euros et pointent la responsa­
bilité du gouvernement dans
cette situation.
« Il va falloir sortir des sentiers
battus, a assuré Christine Place,
directrice générale déléguée ad­
jointe chargée des ressources hu­
maines. Nous allons tout faire
pour accompagner chaque sala­
rié et travailler avec les syndicats
sur deux axes : les mesures d’aide
les plus adaptées permettant à
chacun de retrouver un emploi
dans sa région, et l’accompagne­
ment des nombreux salariés en
fin de carrière. »

De la « poudre de perlimpinpin »
Comment rebondir, alors que le
déremboursement de l’homéo­
pathie porte un coup dur à
l’image de Boiron à l’étranger, où
il se développe depuis des années
avec une présence dans quelque
cinquante pays représentant de
gros marchés (Europe, Etats­Unis,
Inde, Brésil...)? Et que les granules
représentent près de 95 % de son
activité? Si les autorités sanitaires
françaises rejettent ces traite­
ments, c’est bien qu’il y a un
doute sur leur efficacité.
Il fut un temps où certains pro­
duits étaient remboursés à 65 %.
C’était au début des années 1980,

sur décision de la ministre des af­
faires sociales, Georgina Dufoix,
avant que ce taux ne soit ramené
à 30 %. L’homéopathie est, en ef­
fet, critiquée depuis longtemps
par les dirigeants de la Caisse na­
tionale d’assurance­maladie des
travailleurs salariés, qui la consi­
déraient comme de la « poudre de
perlimpinpin ». Mais ils n’avaient
jamais pu obtenir qu’une baisse
du taux de remboursement.
Elle a surtout été dénoncée par
les Académies de médecine et de
pharmacie et par l’ordre national
des médecins, bien que de nom­
breux généralistes la prescrivent.
En revanche, une pétition de sou­
tien avait recueilli 1,3 million de si­
gnatures en 2018­2019. Boiron as­
surait alors que jusqu’à 1 000 em­
plois seraient menacés en France
(sur 2 500) en cas de suppression
des remboursements.
Pour asseoir sa décision sur des
arguments médicaux, le gouver­
nement avait saisi la Haute Auto­
rité de santé, à la mi­2018. Sur la
base de plus de 800 études relati­
ves aux bénéfices de l’homéopa­
thie pour les patients, elle avait
conclu qu’il n’y avait pas lieu de
maintenir son remboursement,
puisque son efficacité est égale à
celle d’un placebo. Autrement dit,
aucun service médical rendu ne
serait scientifiquement prouvé.
Agnès Buzyn, alors ministre de la
santé, avait annoncé le dérem­
boursement en juillet 2019.
jean­michel bezat

Seules
les activités
hors de France
sont épargnées.
Au total, 13 des
31 sites français
seront fermés

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28 MARS 2020


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