Si elle reste ouverte aux skieurs, la
station du Col de Porte (Isère)a
fermé une partie de ses remotnées
mécaniques. Son télésiège trois pla-
ces du Charmant Som défigure tou-
jours le paysage d e la Chartreuse. La
nouvelle loi Montagne, votée en
2016, n’y changera rien : si elle exige
des exploitants qu’ils prévoient le
démantèlement des remontées
mécaniques construites depuis
cette date, rien n’oblige les proprié-
taires des stations abandonnées
avant à remettre le site en état. Le
démontage du télésiège isérois va
donc rejoindre la longue liste des
chantiers de nettoyage organisés
l’Environnement, l’association
dénombrait plus de 3.000 aména-
gements abandonnés dans les
montagnes françaises.
Depuis 2001, elle a débarrassé les
sommets de plus de 500 tonnes de
déchets de toutes sortes à l’occasion
d’une cinquantaine de chantiers.
« Nous avons développé une v éritable
expertise » , poursuit la responsable
de campagne. Démarches adminis-
tratives préalables aux chantiers,
négociations avec les propriétaires
des terrains, mobilisation des effec-
tifs nécessaires, gestion de la sécu-
rité, d émontage des câbles sous t en-
sion, découpage et évacuation des
pylônes...
Les demandes des collectivités
pour débarrasser les espaces natu-
rels de ces vestiges sont de plus en
plus nombreuses. Au point que le
référent technique de l’association
pour les installations obsolètes,
Jean-Paul Rochaix, est sur le point
de créer son entreprise, REN (Res-
tauration d’espaces naturels), pour
répondre à ce marché.
Un millier de bénévoles
L’ONG ne manque pourtant pas de
bras pour participer à ces chantiers
partout en France. « Au moins un
millier de bénévoles » , calcule Car-
men Grasmick. L’an passé, l’organi-
sation a mobilisé 253 d’entre eux
pour venir à bout de 31 tonnes de
déchets lors de 6 chantiers, dont le
démontage de 2 monte-charges
d’approvisionnement de refuges
sur un site Natura 2000 de la com-
mune de Lathuille en Haute-Savoie.
Coût moyen : de 5.000 à
20.000 euros selon les travaux, les
outillages et les moyens humains,
mécaniques ou héliportés n écessai-
res. En vingt ans, Mountain Wilder-
ness a ainsi rassemblé près de
2.000 personnes autour de ces opé-
rations. — P. M.
En France, près de 3.000 installations à l’abandon
L’ONG Mountain Wilderness
s’attaque aux aménage-
ments fermés et laissés
en l’état. En vingt ans,
elle a débarrassé plus
de 500 tonnes de ferrailles.
C’est l’hiver que le réchauffement climatique se fait le plus sentir, avec jusqu’à + 2,8 °C dans les Alpes. Phot o Richard Brunel/PhotoPQR/La Montagne
Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse
Fe rmée en 2013, la petite station
de ski de Puigmal dans les Pyré-
nées-Orientales a redémarré cet
hiver avec des activités gratuites
pour les quatre saisons. Mais il
n’est plus question d’y faire du ski
alpin même si les sept remontées
mécaniques sont toujours là.
Avec le manque d’enneigement et
la concurrence de domaines plus
importants comme Font-Romeu,
la station de Puigmal n’enregis-
trait plus que 50.000 journées de
ski les dernières s aisons, a ccumu-
lant un déficit de 9 millions
d’euros. Le préfet a dissous le syn-
dicat intercommunal et le village
d’Err (670 habitants) doit rem-
bourser 60 % de la dette...
Pour attirer les touristes, la
Communauté de communes
Pyrénées-Cerdagne a commandé
une étude qui conclut qu’il faut
diversifier l’activité de ce d omaine
de haute montagne situé entre
1.900 et 2.700 mètres d’altitude.
Elle a lancé un appel à projets et le
fabricant de skis et de vélos Rossi-
gnol, qui a créé le service Outdoor
Experiences pour accompagner
les collectivités dans les loisirs de
plein air, a proposé une reconver-
sion de la station dans les activités
de quatre saisons. Des itinéraires
ont été tracés pour le ski de ran-
donnée (20 km), le VTT (163 km),
la marche nordique (28 km) et le
trail à travers la montagne et la
forêt. Quatorze d’entren eux ont
été ouverts début février et 15
autres seront prêts en juin. Le
budget de lancement s’élève à
86.000 euros, financé à 80 % par
le département et la région.
Le pari de la gratuité
Rossignol apporte son expertise
pour tracer les parcours et les
faire connaître. Il propose des
parcours encadrés et balisés par
GPS via une application numéri-
que et fait la promotion de la sta-
tion auprès de ses clients et sur
des bases de données. Il e st
encore trop tôt pour dresser un
bilan. Le domaine était déjà fré-
quenté p ar d es randonneurs car i l
était resté ouvert après l’arrêt du
ski. Aujourd’hui, l’accès reste gra-
tuit. « La collectivité a fait le choix
de la gratuité pour se différencier
du modèle des stations de s ki et ani-
mer le site », explique Adrien
Thillard, chargé de mission Sport
développement de la commu-
nauté de communes.
L’objectif est d’attirer randon-
neurs et traileurs l’été, skieurs de
randonnée l’hiver, pour que le
tourisme bénéficie aux villages
alentour. Il n’y a pas d e commerce
ni d’hébergement à la station
mais la Cerdagne c ompte
8.000 lits marchands. « Nous
allons organiser des courses et
nous voulons que des profession-
nels emmènent des groupes, indi-
que Adrien Thillard. L’objectif est
d’avoir des retombées économi-
ques sur l’hébergement et la loca-
tion de matériel. »
Un grand trail est envisagé en
septembre avec, peut-être, la pré-
sence du champion catalan de
biathlon Martin Fourcade. Dans
les Pyrénées, Puigmal est la pre-
mière station de ski à se reconver-
tir entièrement.n
Le groupe a guidé la petite
station qui, fermée depuis
sept ans, a pu rouvrir en
diversifiant son activité.
Comment Rossignol
aide Puigmal
à se reconvertir
pant deux tiers du domaine, la pro-
cédure devrait laisser le temps à son
exploitant d’organiser sa reconver-
sion. Le site emploie 21 salariés per-
manents et 65 saisonniers.
La raréfaction de l’or blanc a un
effet boule de neige à l’origine de
45 % des fermetures de stations. Si
la plupart (près de 60 %) d’entre
elles sont concentrées dans le Mas-
sif central, l’ensemble des massifs
sont concernés : les Pyrénées avec
Mourtis (Haute-Garonne), le Jura
avec Menthières (Ain), les Alpes
avec Turini-Camp d’argent, (Alpes-
Maritimes), Orange-Montisel
(Haute-Savoie) ou Aiguilles (Hau-
tes-Alpes), dans le massif du Quey-
ras, selon le recensement réalisé
par Vincent Simon sur son site sta-
tionsfantomes.
« Le changement climatique a con-
duit à une augmentation d e tempéra-
ture moyenne de 2 °C dans les Alpes
depuis la fin du XIXe siècl e et c’est la
saison hivernale qui est la plus
neige artificielle), environ la moitié
des stations françaises se sont équi-
pées d’enneigeurs, à l’image de Pey-
ragudes, dans les Pyrénées, sauvée
en 2019 p ar l’installation de
250 canons.
Un secteur qui emploi
150.000 personnes
Be aucoup ne pourront pas suivre
cette course, anticipent les cher-
cheurs de l’Inrae de Grenoble (Insti-
tut national de recherche pour
l’agriculture, l’alimentation et
l’environnement). 80 domaines
devraient sans doute enrichir
encore le catalogue des stations f an-
tômes d’ici à 2050.
Les conséquences sont
d’abord économiques : au total, ce
secteur emploie 150.000 person-
nes. Elles sont également écologi-
ques : une station ferme et ce sont
des milliers de tonnes de ferraille et
de béton qui rouillent le plus sou-
vent sur place.n
lConséquence du réchauffement climatique, le manque de neige n’épargne plus aucun des massifs français.
l170 domaines skiables ont déjà arrêté leurs remontées mécaniques et 80 autres craignent de devoir s’y résoudre.
Sports d’hiver : la moitié des stations
pourraient avoir disparu en 2050
Paul Molga
— Correspondant à Marseille
Le c ouperet est t ombé pour l a petite
station de ski de Céüze. « Appel
d’offres infructueux pour sa
reprise », a constaté ce lundi la com-
mission de délégation de service
public de la communauté de com-
munes Buëch-Dévoluy qui en gère
l’exploitation. En déficit chronique,
cette station historique des Hautes-
Alpes, ouverte en 1935 sur les hau-
teurs de Gap, était fermée aux
skieurs depuis deux hivers. Elle va
définitivement cesser ses activités
hivernales et ses installations
vieillissantes – 9 tire-fesses menant
jusqu’à 2.000 mètres d’altitude –,
seront démontées pour laisser sans
doute place à un restaurant
d’alpage.
Céüze est loin d’être seule dans ce
cas. Dans une thèse très fouillée sur
« les trajectoires territoriales des
stations abandonnées », le docto-
rant à l’université Grenoble-Alpes,
Pierre-Alexandre Métral, a réperto-
rié près de 170 domaines skiables,
sur les 584 construits en France
depuis les années 1930, qui ont mis
la clé sous la porte. « Ce sont princi-
palement de petites stations de
moyenne montagne, avec un front de
neige situé autour de 1.200 mètres
d’altitude. La plupart comptent seu-
lement deux ou trois remontées
mécaniques mais, depuis les années
2000, de plus grands domaines sont
concernés. Leur fermeture impacte
l’économie des territoires et conduit
souvent à une crise politique dans les
communes », écrit-il.
La station Mont-Dore en
redressement judiciaire
C’est le cas de la station de Mont-
Dore, dans le Puy-de-Dôme. Faute
de neige et de skieurs, elle s’est pla-
cée le 2 mars dernier sous la pro-
tection du tribunal de commerce
de Clermont-Ferrand. Cette saison,
son chiffre d’affaires n’a atteint que
21 % de son activité habituelle, soit
625.000 euros contre 3 millions en
temps ordinaire, creusant un défi-
cit de quasiment 2 millions d’euros.
Ces six dernières a nnées, le nombre
de journées skieurs y a en effet
baissé de 20 %.
Pour cette station qui compte un
téléphérique, 14 remontées méca-
niques et des canons à neige équi-
TOURISME
impactée avec une hausse de 2,8 °C »,
explique le chercheur au CNRS Jac-
ques Mourey dans une étude sur les
conséquences du réchauffement
climatique sur les environnements
de haute montagne.
Les stations e n subissent n aturel-
lement les conséquences : selon ses
travaux, « la durée de couverture nei-
geuse a déjà été raccourcie de 8,9
jours par décennie entre 1970 et 2015,
et la saison de neige commence
12 jours plus tard et se termine
26 jours plus tôt ».
Comment faire face? A coup
d’investissements massifs (15 % du
forfait financent la production de
« La saison de
neige se termine
26 jours plus tôt. »
JACQUES MOUREY
Chercheur au CNRS
par l’association environnementale
Mountain Wilderness.
Cette ONG internationale, née en
1987 en Italie, s’est intéressée dès ses
origines à la dépollution des instal-
lations obsolètes. « Il s’agit large-
ment d’aménagements touristiques,
mais aussi industriels, agricoles ou
militaires » , explique Carmen Gras-
mick, chargée de mission auprès de
la branche française de l’associa-
tion. Vestiges militaires, anciennes
clôtures pastorales, aménage-
ments sportifs désuets, monte-
charges obsolètes, remontées
mécaniques fermées... Selon un
recensement réalisé il y a quelques
années avec l’aide du ministère de
Les chantiers coûtent
entre 5.000
et 20.000 euros.
PME & REGIONS
Mercredi 11 mars 2020 Les Echos