Coup de Pouce - (03)March 2020

(Comicgek) #1
UN DOSSIER COMPLEXE
Selon la dessinatrice Emma, dans nos socié-
tés, l’homme porte beaucoup moins la
charge mentale que la femme, car il se sent
souvent moins concerné. Pourquoi? «C’est
un sujet très complexe, dit-elle. Dans notre
société, la sécurité économique n’est pas
garantie. En cas de maladie, de chômage, de
vieillesse, on n’est pas soutenus par la com-
munauté. C’est donc naturel de chercher à
se couvrir au maximum! En ce sens, il est
avantageux d’avoir une employée bénévole
qui gère le travail domestique à son domi-
cile. C’est du temps psychologique et phy-
sique libéré pour pouvoir se consacrer à
assurer sa situation personnelle.» Le plus
grand frein à la juste répartition de la charge
mentale? L’histoire. «Les femmes sont his-
toriquement conditionnées à prendre en
charge et à accepter ces tâches, indique celle
qui est maman d’un petit garçon, tandis que
les hommes peuvent s’en désintéresser sans
subir de reproches ni de culpabilité.»
Valérie Harvey, sociologue et auteure,
s’intéresse beaucoup aux questions qui
touchent la charge mentale, la conciliation
travail-famille, la paternité et les congés

parentaux. Mère de deux enfants de 8 et
5 ans, elle préfère parler d’une charge men-
tale «fluide et flexible» plutôt que divisée
moitié-moitié. «On a deux carrières à gérer,
note-t-elle. On ne suit pas une trajectoire
définie qui se poursuit dans le temps.
Ça change, et il peut y avoir une inversion à
un moment donné. Le piège, c’est qu’en se
spécialisant dans une tâche, on cristallise
notre rôle.»
S’il y a bien un moment où la femme se
«spécialise», c’est lors du congé de mater-
nité. Plus elle passe du temps avec le bébé,
plus elle se sent compétente et habile. En
même temps, moins elle délègue et plus elle
ratisse large. Un cercle vicieux en quelque
sorte. «On va se le dire: on trouve une forme
de fierté à être bonne pour faire ce genre de
choses, affirme Mme Harvey. Ça fait du bien
d’organiser, de planifier, de voir à ce que
tout soit prêt. Cette perception vient de
l’éducation. Les garçons n’ont pas été élevés
à penser à ces choses ni à les voir. Les filles,
de leur côté, vont sentir qu’elles ne corres-
pondent pas à l’image de la mère parfaite
si quelqu’un vient les aider.» •

Jean -Philippe | 39 ans, père de trois enfants de 11, 9 et 8 ans


«^ Ça n’a aucun sens! Chez plein de gens que je connais, les gars ne
font rien ou quasiment rien. Je ne sais pas si c’est la façon dont
j’ai été élevé ou mon tempérament, mais pour moi c’est naturel
qu’on fasse tout à deux. On est une équipe.»

Ce père de trois enfants est abasourdi par la situation vécue par bien des mères et
par ce qu’il entend autour de lui. Ce Montréalais le dit tout de go: la charge mentale,
il sait ce que c’est, et il la prend sur ses épaules autant que sa conjointe. «Elle s’occupe
de tout ce qui est facturation et comptabilité, je me charge de tout ce qui est
épicerie et repas. On fait le lavage à deux, on se partage les courses et les achats.
Les vacances, c’est moi. Les cadeaux, c’est elle. Pour le reste, c’est du cas par cas.»
À l’écouter, il est le conjoint parfait. Il éclate de rire: «Je pense qu’il y a des amies de
ma blonde qui sont envieuses, admet-il. Honnêtement, je ne saurais pas comment
faire autrement. On n’aurait pas eu trois enfants si l’on n’avait pas été deux à participer
comme ça. Et puis, je trouve que chaque étape est précieuse.»

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MARS 2020

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