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(Rick Simeone) #1
ture urbaine, qui fait de la nature largement
anthropisée depuis le Néolithique en Europe
occidentale et de la nature dans certaines
zones peu peuplées d’Afrique, d’Amérique
latine ou même d’Amérique du Nord une
même et unique réalité. Cette vision rend
plus difficile la perception de toute la
gamme des interactions possibles, négatives
mais aussi positives, entre l’homme et la
nature^2. Néanmoins il subsiste encore dans
l’imaginaire urbain une distinction entre la «
campagne » (zone rurale fortement mar-
quée par les activités agricoles) et la nature
(zone rurale où les espaces non agricoles
sont dominants), ce qui complique singuliè-
rement la perception des enjeux de protec-
tion de la nature dans les zones agricoles, et
symétriquement la perception de la place
des activités humaines dans les zones rura-
les non agricoles.

Comme la période romantique, la culture
occidentale dominante actuelle, d’essence
citadine, propose comme mots d’ordre le
sentiment, l’imagination, l’expérience per-
sonnelle irremplaçable et la nostalgie.
Comme la quête éthique romantique, la
quête éthique moderne semble parfois déve-

lopper une confusion entre le
beau et le bien et revendiquer
l’abolition de la différence entre
le rêve et la réalité. Comme la
culture romantique, essentielle-
ment urbaine, la culture
moderne privilégie l’individua-
lisme et perçoit la Nature à la
fois comme un tout unique et
comme une source de bonheur
que la vie sociale est désormais
partiellement impuissante à
apporter. Cette vision est bien
éloignée de la tradition des
populations rurales qui voyaient
d’abord (mais pas exclusive-
ment) dans la nature une
source de biens et services très
concrets et directement appro-
priables.

Entre les deux grandes visions
traditionnelles de la nature, l’homme
moderne, comme l’homme romantique,
choisit de plus en plus la vision organiciste
et répudie la vision mécaniciste. A la
manière des romantiques, il cultive la nostal-
gie d’une nature sauvage et mystique, incar-
nant « l’âme du monde ». Comme l’homme
romantique émergea de la « période des
Lumières » du XVIIIème siècle et du règne
sans partage de la raison, l’homme moderne
est fils de la science triomphante des
années 1945-2000 mais cherche un antidote
à une vision prométhéenne de l’homme et
du monde, desséchante et angoissante.

Les sociologues ne disent pas autre chose,
lorsqu’ils affirment que la nature sauvage
semble s’être désormais imposée dans les
pays occidentaux comme la référence la
mieux partagée par l’opinion publique. Les
débats actuels sur la gestion durable et la
biodiversité sont régulièrement mis en pers-
pective par rapport à des modèles culturels
et techniques qui revendiquent comme réfé-
rence la nature sauvage, et non la nature
historiquement « humanisée ». Certaines
des questions majeures qui se posent

History, cculture aand cconservation


Figure 2.Circaète dans le parc national des Cévennes : image de
la biodiversité emblématique (Courtoisie Parc National des
Cévennes)

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