13 Policy Matters.qxp

(Rick Simeone) #1

A ““cultural aapproach” tto cconservation?


MMadagascar, grande île de l’Ouest de


l’Océan Indien, est caractérisée par son taux
élevé de l’endémisme de sa biodiversité:
100% chez les primates (lémuriens), 93%
chez les reptiles, 52% chez les oiseaux et
85% pour les espèces végétales identifiées.
L’hypothèse de son peuplement présume
que les ancêtres des Malgaches ont colonisé
progressivement l’île depuis 2500 ans. Leurs
différentes origines asiatique, malayo-poly-
nésienne, africaine et européenne expliquent
la diversité de leurs cultures.^1 Le rôle fonda-
mental que peuvent jouer le culte tradition-
nel et les tabous pour la conservation sera
illustré ici par deux exemples, à propos du
Parc National de la Baie de Baly au nord-
ouest de l’île, et du Lac Alaotra, à 250 km
au nord-est de la capitale Antananarivo.

Le culte traditionnel joro et sa «
mise en valeur » par un projet
environnemental
Le joro ou soro, est la désignation générique
des cultes comportant une offrande et un
sacrifice.^2 Il s’agit d’un culte ancestral, prati-
que traditionnelle unique de tous les
Malgaches, qui explicite les liens entre la
nature, l’homme et la culture. Il est fondé
sur la prière au ndranahary(créateur) et
aux zanaharyi^3 (esprits des ancêtres) pour
bénir une personne, une communauté ou
une action. Le joro, de forme différente
selon les régions, exprime un même fond
invariant de ralliement et de réconciliation.
Les pratiques du jorodégagent la culture
traditionnelle malgache moulant une
croyance née à partir de la nature et conçue
pour entretenir la nature. Le joro conceptua-
lise le lien entre le créateur/esprit(au som-
met), la nature(au centre) et les

ancêtres/êtres humains(à la base). Ainsi, le
réveil de la conscience environnementale
malgache, ancrée dans le fond de son être
(culte et croyance) peut aider dans la res-
ponsabilisation des communautés villageoi-
ses à des buts de conservation.

Pour bien comprendre la communauté villa-
geoise, il est nécessaire de s’y intégrer pour
vivre cette culture donnant la priorité à la
nature, garant de sa subsistance. Nos expé-
riences nous nous démon-
trent qu’il appartient aux
spécialistes de la conserva-
tion d’explorer, dans le
joro, l’utilité de la trilogie «
créateur/esprit – nature-
ancêtres/êtres humains »
pour comprendre la com-
munauté villageoise. Dans
cette logique, « sauvegar-
der la nature » signifie «
préserver les ancêtres ».^4 La prière durant le
joro, les contes, les légendes, les proverbes,
décrivent cette ascendance spirituelle^5 et
définissent l’être humain en fonction de l’es-
prit.^6 Tout vient du créateur qui possède un
esprit matérialisé par la lumière, origine de
toutes les créatures dont le soleil (mâle) et
la terre (femelle), époux et épouse,^7 sont à
l’origine de la nature vivante. L’être humain,
conçu avec un esprit, en est le dernier-né.
Après sa mort, l’être humain remet sa vie
(sang et eau) et son corps (chair et os) à la
terre mère. Son esprit (lumière) revient au
soleil père, devenu esprit ancestral, intermé-
diaire des vivants au créateur. Ainsi on pour-
rait soutenir que, pour préserver la nature,
la culture traditionnelle l’humanise dans le
culte ancestral. Ou peut-être, plus que d’hu-
manisation de la nature il s’agit ici d’entre-
tenir un des moyens par lequel le vivant

Culte ddes aancêtres jjoro eet ssauvegarde ddes eespèces


menacées dd’extinction àà MMadagascar


Lala JJean RRakotoniaina eet JJoanna DDurbin


...le cculte jjoro sserait
un llieu dde rrégula-
tion dde lla nnature—
une cconsidération
essentielle aaussi
dans lles ppréoccupa-
tions éécologiques
«modernes»
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