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(Rick Simeone) #1
entre en bonne relation avec les esprits de
la nature. Dans cette perspective le culte
joroserait un lieu de régulation de la
nature. Cette considération est aussi essen-
tielle dans les préoccupations écologiques «

modernes ». L’approche de « conservation
communautaire » du Durrell Wildlife
Conservation Trust (Madagascar)^8 valorise le
lien entre ces valeurs culturelles et la sauve-
garde de la biodiversité. Voilà quelques
exemples de cette mise en valeur qui lie la
conservation et la culture à travers le culte
de joro.

Le joro et la conservation de la tor-
tue
La tortue à soc (Geochelone yniphora) est
menacée d’extinction et ne se trouve qu’au-
tour de la Baie de Baly, au nord-ouest de
Madagascar. Le joro doany (culte ancestral
dans la case sacrée royale avec sacrifice de
zébu) du hameau de Maroleo, qui s’est tenu
le lundi de Pâques de l’année 1995 dans la
région de la Baie de Baly, illustre ce concept
cultuel pour la conservation de la nature. Le
prêtre traditionnel, possédé par le tromba
(esprit du roi défunt), menait la cérémonie.
Il priait le créateur de bénir l’assistance et
dictait de nouvelles ordonnances. Il y évo-
quait les ascendants humains : le créateur

donnant la lumière, l’ancêtre d’en haut (le
soleil) et l’ancêtre d’en bas (la terre), toute
la nature, origine de la vie humaine, et les
principaux ancêtres humains (les rois des
anciennes royautés sakalavade l’ouest de
Madagascar puis les chefs de clans de la
zone). Cela renforçait l’objet du joroformulé
par le conseil des sages de la zone et nous
mêmes, en tant que spécialistes de la
conservation, avons appelé et détaillé l’ur-
gence de la préservation de la forêt restante
dans la région et de la sauvegarde de la bio-
diversité qu’elle héberge. Nous avons expli-
qué que cela peut se faire par la population
locale avec la collaboration de l’administra-
tion et le partenariat des bienfaiteurs envi-
ronnementaux. Le prêtre ordonna à la popu-
lation locale de respecter les tabous, de bien
collaborer avec les Eaux et Forêts et d’aider
l’équipe Projet Angonoka (nom local de la
tortue à soc ou tortue à éperon) à mener à
bien ces objectifs de conservation.

Le joro doanyqu’on vient de décrire a été
organisé par dix villages riverains
d’Antsokotsoko-Anjaha (région de Baie de
Baly, Nord-Ouest de Madagascar), site natu-
rel de la tortue. Il a pu rassembler jusqu’à
trois cents personnes (hommes, femmes et
enfants). Des chercheurs et des chefs de
service de la sous-préfecture de Soalala y
ont participé. Après la cérémonie cultuelle,
tout le monde a assisté à l’assemblée plé-
nière, organisée sous un vieux tamarinier,
place publique du village. Les hommes s’y
sont groupés en rond sur des nattes, les
dirigeants traditionnels et officiels au pied du
grand arbre au nord, les jeunes gens à l’est,
derrière eux les femmes et les enfants, à
côté, accroupis au sud-ouest. La cuisson du
repas communautaire s’est faite près de tout
cela par une dizaine de femmes pour le riz
et par cinq jeunes gens pour la viande du
zébu du jorodans une grande marmite. De
là, tout le monde a pu suivre la discussion.
Les villageois qui participaient à la réunion
ont profité de la présence des autorités
sous-préfectorales et communales pour dis-
cuter leurs divers problèmes locaux. Le sujet

History, cculture aand cconservation


Figure 1.Réunion villageoise nocturne à
Kasany (Baie de Baly, Nord-Ouest de
Madagascar) durant la fête de la tortue à
soc. (Courtoisie Lala Jean Rakotoniaina)
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