13 Policy Matters.qxp

(Rick Simeone) #1
taire des villageois. Si la conservation « éta-
tique » veut promouvoir des visions, des
normes, des techniques et des comporte-
ments extérieurs à ces valeurs, il faudra
d’abord instaurer un dialogue pour établir
des liens entre le « culturel » et le « social
». Dans d’autres mots, plusieurs communau-
tés supportent sans critique le poids d’un
tabou et de la convention locale (le culturel)
qui leur semble naturel, mais suivre une loi
(le social) leur paraît difficile. Ainsi, pour
faciliter le respect de la législation en
vigueur, les associations villageoises ont
besoin de formuler, par leurs membres et
pour leurs membres, des dina— mesures
locales d’application de ces lois.

Nous avons trouvé que le joro favorise la
sensibilisation et l’organisation de masse
pour des actions environnementales. Sa pré-
paration permet aux villageois de concevoir
eux-mêmes et de réaliser ensemble des pro-
jets liant la culture, l’environnement et l’éco-
nomie. Ces projets sont « comme la forêt »
qui à la fois conserve les tombeaux, cache
les zébus, héberge la biodiversité et retient
l’eau pour les rizières ou « comme les
marais », qui fournissent des plantes médi-
cinales, des matières premières pour l’artisa-
nat féminin et la construction des cases,
régularisent l’eau du lac, et donnent aux
poissons des refuges pour s’y nourrir, s’y
engraisser et s’y reproduire. La cohésion des
membres d’une communauté villageoise
ritualisée par le joroest entretenue par des
fêtes traditionnelles, des repas communau-
taires, des réunions villageoises sur la place
publique, de leur union dans des associa-
tions organisées pour des travaux collectifs,
sociaux, économiques ou environnementaux.
Le joroest, avant tout, une négociation col-
lective avec les esprits ancestraux et de la
nature, mais il offre aussi une occasion d’en-
tretenir des importants liens sociaux (réu-
nions de la communauté, discussion d’initia-
tives communes, ritualisation des décisions,
etc.).

Il y a, aussi, d’autre part, une certaine

valeur politique dans le joro. Le terroir
ancestral matérialisait l’ensemble de la
nature nécessaire pour la subsistance de la
communauté villageoise et conservait toutes
les valeurs culturelles et sociales tradition-
nelles. Devenu terre royale à l’époque
monarchique (1500-1896) et propriété
domaniale depuis l’ère coloniale (1896-
1960), il a ainsi changé de détenteur (le roi
puis l’Etat) et de statut et donc a perdu tou-
tes ses valeurs communautaires antérieures.
Seule la pratique du joroil y a persisté.
Dépossédée, la communauté est restée sim-
ple utilisatrice des ressources naturelles (des
terres, des forêts, des marais et des lacs).
Le villageois doit payer un permis du droit
d’usage pour les ressources forestières et de
l’impôt pour la terre. La contestation passive
des autochtones contre ce changement du «
statut foncier » s’est souvent exprimée par
des feux de brousse, d’auteurs inconnus,
qualifiées de « feux sauvages », Ces feux
sauvages dévastent, à chaque saison sèche,
les savanes, les forêts et
l’environnement rural. Au
nom de la cohésion sociale,
même au prix d’amendes
collectives, personne n’ose
les dénoncer. Le changement
historique du statut foncier a
désengagé la communauté
villageoise de la responsabi-
lité envers cet espace villa-
geois et même envers la
nature qu’il renferme.

Pour éviter la continuation de ces dégâts, la
conservation communautaire peut apporter
une réconciliation. Elle se base sur le trans-
fert de gestion des ressources naturelles
venant de l’état vers la communauté villa-
geoise. Un contrat écrit entre ces deux par-
ties définit les clauses à respecter par l’un et
par l’autre. La communauté, utilisatrice des
ressources naturelles d’un site, en devient
gestionnaire. L’état, qui reste détenteur de
la propriété domaniale, supervise cette ges-
tion selon la loi. L’administration, les techni-
ciens et les ONG peuvent porter un appui.

History, cculture aand cconservation


Le jjoro ooffre uune
occasion dd’entrete-
nir ddes iimportants
liens ssociaux ((réu-
nions dde lla ccom-
munauté, ddiscus-
sion dd’initiatives
communes, rrituali-
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sions, eetc.).
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