J'irai manger des khorovadz

(nextflipdebug2) #1
J'irai manger des khorovadz

Dernière étape de mon épopée ukrainienne qui joue les prolongations.
Douze jours d’affilée dans ce seul pays : ce sera le séjour le plus long de
ce périple. Je dois rejoindre le détroit de Kerch qui se trouve à
l’extrémité de cette région entre la mer d’Azov et la mer Noire. Ce soir
je suis attendu avant de prendre le ferry qui va m’amener en Russie.
Je retrouve les routes plates et monotones loin de la magnificence de
la route côtière panoramique que j’ai empruntée pendant quatre jours.
Dans l’après-midi sur cette route sans attrait le chemin du vent croise
celui de mes roues et porte un coup à ma moyenne et à mon moral. Il
vient toutefois rafraîchir cette journée de chaleur. Des rafales régulières
ralentissent ma progression. C’est une lutte permanente et inégale que je
livre kilomètre après kilomètre contre cette masse invisible mais bien
réelle. Chaque tour de roue est une victoire sur moi et sur Éole. Pas de
répit. Lui ne faiblit pas il n’a pas besoin de se reposer. C’est un ennemi
redoutable infatigable arrogant! Le vent teste ma résistance ma
pugnacité mes convictions et ma confiance comme pour me mettre à
l’épreuve et me donner une raison d’aller plus loin. Il faut que j’y arrive.
Il faut que j’atteigne absolument Kerch ce soir! Je traverse de grandes
plaines des steppes sèches et arides sans arbres sans relief sur
lesquelles on aperçoit sporadiquement des troupeaux de moutons menés
par des bergers à cheval. Je commence à trouver le temps long le défi
devient plus mental que physique. De temps en temps une rangée
d’arbres apparaît au milieu de nulle part alors qu’une forêt de pylônes
électriques trouble la vue à l’horizon. L’immensité des plaines
ukrainiennes m’envahit. Le vent devient mon allié à son insu. Ma rage de
le vaincre génère l’énergie qui me propulse vers l’avant. La complicité
des rencontres le soutien des amis l’ivresse des grands espaces me font
oublier cet ennemi invisible. J’avance coûte que coûte. La mission en
vaut bien la peine.
J’aperçois enfin Kerch au loin une des plus anciennes villes
d’Ukraine qui s’étale sur 30 km le long de la côte. En m’approchant je
distingue des dizaines et des dizaines de cargos pétroliers ou autres
navires dans ce détroit de 45 km en son point le moins large avec au
premier plan les énormes grues des docks qui attendent leur tour pour

Free download pdf